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ESPACE (CONQUÊTE DE L') La militarisation de l'espace

La militarisation

Dès 1958, quelques mois après le lancement de Spoutnik-1, les satellites militaires sont envisagés pour répondre à de multiples besoins :

– le renseignement, avec l'observation dans les domaines des longueurs d'onde visibles, infrarouges ou radars, la localisation des objectifs, l'interception et l'écoute des liaisons radioélectriques, l'interception des télémesures envoyées à son centre de contrôle par un missile adverse – ou ami, d'ailleurs – en cours d'essai, la surveillance des océans, la détection des explosions nucléaires dans l'espace ou sur Terre ;

– les opérations militaires proprement dites, avec l'alerte avancée, destinée à détecter les lancements de missiles balistiques, voire le décollage des avions adverses, la météorologie, les communications, la cartographie, la navigation des mobiles terrestres, aériens et maritimes, la géodésie, pour connaître de façon précise le géoïde terrestre et améliorer ainsi la navigation des sous-marins et le guidage des missiles mais aussi le calibrage des radars installés au sol ;

– la science et la mise au point de technologies d'application militaire.

Les efforts déployés par les deux superpuissances dans l'espace militaire pendant la guerre froide sont considérables en ce qui concerne le nombre de systèmes déployés : entre 1957 et 1991, environ 60 p. 100 de l'ensemble des satellites américains sont à vocation de défense ; sur les 2 984 satellites lancés par les Soviétiques puis les Russes de 1957 à avril 1995, 2 311 (77 p. 100) sont des satellites militaires de type Cosmos. L'activité spatiale militaire soviétique atteint son apogée en 1976 : cette année-là, l'U.R.S.S. met sur orbite 101 satellites militaires, procédant ainsi, en moyenne, à un lancement tous les trois ou quatre jours. Notons qu'en 1991, au moment de la disparition de l'Union soviétique, ce nombre tombe à 46 et, en 1996, à 10, pour remonter par la suite.

C'est dans le domaine de la reconnaissance que l'effort le plus important est accompli. Les performances des satellites d'espionnage vont sans cesse être améliorées au cours des trente-quatre années de face-à-face dans l'espace. Des prouesses technologiques étonnantes vont être réalisées par les ingénieurs à la demande des militaires et des politiques. Avec leurs premiers satellites de reconnaissance – comme le Discoverer-14/KH-1 (KH pour Keyhole : « trou de serrure »), lancé le 18 août 1960 –, les Américains peuvent prendre des images d'une résolution d'une douzaine de mètres. Aujourd'hui, des détails de l'ordre de dix centimètres sont observés, de jour comme de nuit, et, grâce à l'acquisition d'images numériques, les situations sont évaluées en temps quasi réel. Certains satellites, dont la masse est voisine de vingt tonnes, « voient » à travers les nuages et même à cinq mètres sous la surface terrestre. Alors qu'au début des années 1960 la durée de vie sur orbite de tels satellites était d'un jour, elle se chiffre aujourd'hui en années. Certains d'entre eux sont ravitaillés en ergols et sont « furtifs », c'est-à-dire difficilement détectables par les moyens de détection adverses.

La décision prise en 1995 par le président Clinton de rendre publiques certaines informations relatives au programme Discoverer/Corona qui mit en œuvre les satellites de reconnaissance américains de la guerre froide, a permis de mieux cerner l'apport de ces satellites au pouvoir américain. Corona fut un outil d'une très grande efficacité. On apprit ainsi que 120 des 145 missions Corona, qui se sont déroulées entre 1960 et 1972 et ont vu la mise en œuvre une douzaine de types de satellites, ont ramené 640 000 mètres de films totalisant 866 000 photographies (ces films revenaient[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie de l'air et de l'espace et de l'International Academy of Astronautics, ancien président de l'Institut français d'histoire de l'espace

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