ESPACE GÉOGRAPHIQUE
Les géographes ont d'abord eu pour mission de rendre compte de la diversité du monde à travers les différentes formes d'occupation et de mise en valeur de la surface de la planète – de l'espace géographique – par les sociétés humaines.
Diversité « naturelle », bien sûr, éclairée par les différentes sciences de la Terre, mais surtout diversité « culturelle », que révèle la variété des paysages et des « genres de vie ».
Sans nier les contraintes ou les influences des conditions naturelles dans les rapports que les groupes humains ont entretenus et entretiennent avec les territoires qu'ils occupent, mettent en valeur, s'approprient et contrôlent, les pionniers de la « géographie humaine » moderne (en France, Paul Vidal de La Blache et ses élèves) ont, dès la fin du xixe siècle, refusé l'idée d'un déterminisme naturel et cherché à expliquer la diversité du monde par l'action des hommes et l'organisation des groupes humains.
L'espace terrestre, objet d'étude de la géographie
Dans cette approche des réalités humaines et sociales, considérées non pour elles-mêmes, mais comme clé de compréhension des formes d'occupation de l'espace terrestre, se sont affirmées de sensibles divergences entre géographes, les uns privilégiant la maîtrise des techniques par les sociétés, d'autres des facteurs religieux ou culturels, et beaucoup, dans les années 1950-1960, sous l'influence du marxisme, des logiques économiques et sociales. Il faut attendre la fin des années 1960 et surtout les années 1970 pour voir s'engager dans la géographie française un débat épistémologique, imposé de l'extérieur par le développement des autres sciences naturelles et sociales, mais aussi de l'intérieur, par les géographes eux-mêmes : nombre d'entre eux n'hésitent plus à remettre en cause les héritages d'une discipline jugée trop académique, trop scolaire, faussement consensuelle, dont les fondements et l'utilité sociale méritaient d'être repensés dans un contexte de luttes idéologiques et politiques.
Sommée de définir son objet, ses références théoriques et ses méthodes, la géographie française en vint, au-delà de la diversité de ses travaux et de ses curiosités, à revendiquer sa spécificité et sa dimension scientifique en s'affirmant comme « science de l'espace » et, plus précisément, de « l'organisation de l'espace ».
Dès 1966, Jean Labasse (L'Organisation de l'espace, éléments de géographie volontaire) avait montré comment les politiques d'aménagement du territoire produisaient des formes nouvelles d'organisation de l'espace. Si les sociétés humaines étaient ainsi capables de façonner leur environnement à partir de projets territoriaux cohérents, tout indiquait que, au cours des siècles passés, elles avaient aussi, de façon plus empirique, aménagé leur cadre de vie, mettant en fait de l'ordre dans le monde, en répartissant les hommes et les activités à la surface de la Terre selon des processus et des logiques qui ne relevaient pas du seul hasard, mais répondaient sans doute à des nécessités, celles que les géographes avaient tenté d'identifier dans leurs nombreuses études « régionales ».
L'heure semblait donc venue de reprendre tous ces travaux pour fonder enfin une « géographie générale », autour des concepts fédérateurs d'espace géographique et d'organisation de cet espace (Olivier Dollfus, L'Espace géographique, 1970 ; Hildebert Isnard, L'Espace géographique, 1978 ; à partir de 1972, L'Espace géographique, nouvelle revue dirigée par Roger Brunet). Pour construire une théorie de « l'espace géographique » et combler un grand retard dans la réflexion épistémologique, les géographes français ont beaucoup emprunté[...]
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