ESPACE, mathématique
La géométrie antique, telle qu'elle apparaît dans les Éléments d'Euclide, propose une vision formalisée de l'espace. Elle traite d'objets géométriques idéalisés – points, droites, polyèdres, sections coniques, etc. – selon leurs propriétés d'incidence et leurs mesures (longueurs, aires, volumes). La description repose sur un petit nombre de propositions admises sans discussion, les axiomes, dont toutes les autres propriétés découlent par une suite de démonstrations précises.
Ce paradigme « euclidien » formalise nos notions intuitives de l'espace, et il domine la géométrie occidentale jusqu'à la fin du Moyen Âge. Les développements ultérieurs des mathématiques vont conduire à de multiples notions d'espace, puisque ce terme apparaît dans de nombreux contextes où l'intuition géométrique s'applique ; on parle par exemple d'espace topologique ou d'espace fonctionnel. On va décrire ici quelques notions plus spécifiquement géométriques.
De la géométrie projective aux espaces symétriques
À la Renaissance, l'invention de la perspective, par des peintres comme Piero della Francesca (1410-1492), Léonard de Vinci (1452-1519) ou Albrecht Dürer (1471-1528), conduit à étudier les projections sur un plan, depuis un point usuel ou « à l'infini ». Les notions qui émergent alors sont formalisées en 1636 par Girard Desargues, dans le cadre nouveau de la géométrie projective. Desargues ajoute au plan euclidien (et à l'espace euclidien) des points « à l'infini », pour obtenir le « plan projectif » (et l'espace projectif de dimension trois). La notion de distance disparaît, mais les notions de droite, de plan, de projection et de conique subsistent. Il existe des transformations qui envoient les points à l'infini sur des points « usuels », et qui envoient à l'infini des points « usuels ».
On peut identifier le plan projectif avec l'espace des droites de l'espace euclidien qui passent par l'origine ; si on fixe un plan P ne contenant pas l'origine, les points de P sont chacun associés à une droite qui n'est pas parallèle à P – c'est simplement la droite passant par ce point et par l'origine – alors que les droites parallèles à P sont associées aux points « à l'infini ». Les droites du plan projectif correspondent aux ensembles de droites (contenant l'origine) parallèles à un plan donné.
Desargues ne se contente pas de proposer un nouveau formalisme d'une évidente élégance ; il en démontre aussi la puissance, à l'aide de nouveaux théorèmes d'énoncé purement euclidien mais dont la preuve repose sur la géométrie projective. Pourtant, sa découverte sera mal comprise, voire rejetée, et essentiellement oubliée après la perte de son ouvrage majeur et de l'œuvre géométrique de son disciple Blaise Pascal ; elle ne sera retrouvée que beaucoup plus tard par Gaspard Monge (1746-1818) et Jean Poncelet (1788-1867).
Une autre géométrie se développe au xixe siècle, à partir d'interrogations déjà anciennes sur les Éléments d'Euclide. Le cinquième axiome d'Euclide affirme que, par un point donné, il passe exactement une droite parallèle à une droite donnée. Une forme équivalente énonce que la somme des angles d'un triangle est égale à π. Or, dès la Renaissance, des géomètres ont tenté de montrer que cet énoncé découlait des autres axiomes d'Euclide.
Motivés par cette question, János Bolyai et Nikolaï Lobatchevski découvrent indépendamment, vers 1825, une nouvelle forme de géométrie, appelée hyperbolique, dans laquelle tous les axiomes d'Euclide sont vrais, sauf le cinquième qui est remplacé par celui-ci : par un point donné, il passe une infinité de parallèles à une droite donnée. On parle donc de géométrie non euclidienne.[...]
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Écrit par
- Jean-Marc SCHLENKER : professeur à l'université de Toulouse-III-Paul Sabatier
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