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ESPAGNE (Arts et culture) L'art espagnol

Le baroque espagnol

Alors que le xvie siècle avait connu une prodigieuse expansion grâce à l'arrivée des richesses d'Amérique, le siècle suivant représente une période de dépression, d'inflation, de banqueroutes et d'épidémies meurtrières. La reprise ne s'effectua qu'après l'accession des Bourbons au trône : un dynamisme nouveau de l'État provoqua alors le réveil progressif de l'activité économique.

Ces fluctuations n'eurent cependant qu'une influence limitée dans le domaine de l'art, car au cours du xviie siècle et d'une bonne partie du xviiie, se maintint le même type de société presque uniquement rural, les richesses d'Amérique n'ayant pas provoqué d'investissements industriels. Cette société demeura dominée par les groupes sociaux qui possédaient la terre, c'est-à-dire la noblesse et le clergé. L'art baroque espagnol est d'abord celui de l'Église espagnole d'après le concile de Trente qui, par ses clercs et ses moines –ordres nouveaux ou ordres anciens réformés – ses couvents de femmes, ses confréries, sa liturgie et ses dévotions, ses processions et ses fêtes, ses tabous et ses forces de répression – l'Inquisition – demeure omniprésente et toute-puissante. La mentalité religieuse elle-même n'a guère varié depuis le Moyen Âge : exigeante sur le plan de l'orthodoxie, mais largement ouverte aux sens, ancrée au plus intime de l'être et avide de contact personnel avec le divin, mais communiant spontanément avec les manifestations extérieures les plus exaltées. L'Église entreprit de mettre l'art au service des exigences de cette foi ardente et elle lui traça ses objectifs : conduire au divin par le sensible, substituer au théâtre, communément interdit, des spectacles organisés dans la rue et dans les temples, associer aux fêtes le peuple, les saints, les anges et jusqu'à Dieu, tout en réservant des espaces pour la communion et l'adoration. Ainsi s'explique la fragmentation de l'espace baroque. Les bâtiments du culte, déjà encombrés par le coro – le monumental chœur monastique ou canonial – s'augmentent en arrière du sanctuaire ou capilla mayor d'un sagrario, c'est-à-dire une chapelle de communion, et d'un camarín destiné à la vénération des reliques et des statues. En outre, on assiste au triomphe d'un décor dynamique donnant une impression de majesté ou engendrant l'illusion théâtrale.

Au début, un équilibre est maintenu entre l'architecture et l' ornement dans un espace lumineux et coloré. Il en est encore ainsi dans les trois sagrarios de Francisco Hurtado (1669-1725) et dans l'admirable sacristie de la Chartreuse de Grenade, où l'inégalité des travées est génératrice de rythme. Cependant, après cette période, une rupture se produit fréquemment entre la structure et le décor, au bénéfice de ce dernier. Cette liberté rendue à l'ornement attirera le mépris du néo-classicisme sur les architectes du dernier baroque, qualifiés de « fats délirants ».

La sculpture participe étroitement à cette évolution, car on ne saurait la dissocier du retable. Elle s'associe à ses effets scénographiques et s'intègre à son univers pathétique ou supranaturel. Si elle se libère de l'autel, c'est pour plonger dans les grandes manifestations de dévotion populaire, sous la forme des pasos de processions.

La peinture elle-même demeure essentiellement religieuse durant le xviie siècle, qui fut son Siècle d'or. Le clergé représente, et de loin, le principal client des peintres : non seulement des maîtres provinciaux, encore soumis à l'organisation médiévale des métiers, mais aussi des artistes renommés. Zurbarán met son réalisme rustique au service des grands cycles iconographiques monastiques.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail

Classification

Médias

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