ESPAGNE (Arts et culture) L'art espagnol
L'âge industriel
À partir de la seconde moitié du xviiie siècle, la renaissance matérielle de l'Espagne fit passer les problèmes économiques et sociaux au premier plan de l'actualité et s'accompagna d'une redistribution géographique de la puissance. La partie centrale du pays – Castille et Andalousie – s'efface devant le dynamisme retrouvé des régions côtières, au premier rang desquelles se situe la Catalogne. Seule la personnalité écrasante de Goya, grand précurseur de l'art moderne, peut faire écran au bouleversement qui s'opère au début du xixe siècle : la substitution au mécénat traditionnel de l'Église, de la monarchie et de l'aristocratie, de celui de la bourgeoisie capitaliste, dont les exigences sont très différentes.
Un siècle plus tard, l'activité artistique se partage presque exclusivement entre Madrid, dont le développement quelque peu artificiel est lié à son rôle de capitale, et la Catalogne, véritable morceau de l'Europe industrielle : le modernisme barcelonais n'est que l'expression catalane du Modern Style et de l'Art nouveau, et l'avant-garde catalane demeure encore internationale avec le cubisme, puis avec le surréalisme de Joan Miró et de Salvador Dalí. La petite Catalogne, rejetée à la périphérie de la Péninsule, ne possédait pas cependant les moyens nécessaires pour entreprendre une régénération de l'art espagnol, même limitée à la seule peinture. Ce rôle sera davantage tenu par Paris, lorsque Picasso et Juan Gris s'y seront fixés.
Le franquisme, bien que représentant une victoire de la Castille sur les contrées périphériques alliées au prolétariat madrilène, ne réussit pas à freiner d'une manière durable une évolution favorable au régionalisme. Déjà sous son règne la renaissance culturelle de la capitale s'accompagna d'un début de renouveau artistique dans presque toutes les provinces.
Cette prise de conscience de la nécessité de pallier le manque d'infrastructures culturelles a permis la mise en place d'une politique culturelle décentralisée forte aboutissant à la création, à Barcelone notamment, du Centre de culture contemporaine (1994), du musée d'Art contemporain (1995), du musée Picasso (1963), de la fondation Mies Van der Rohe (1983), conçue à l'identique du Pavillon allemand réalisé pour l'Exposition universelle de 1929 et qui se veut un centre de recherche et de réflexion sur l'architecture contemporaine.
Parallèlement à ces institutions publiques, des fonds privés permettent l'émergence de fondations-musées telles qu'à Bilbao, le musée Guggenheim (1997) ou en Catalogne, à Barcelone, la fondation Joan Miró (1975), la fondation Gala-Salvador Dalí (1983) et celle du peintre Antoni Tàpies (1990), qui s'est durablement engagé en faveur de l'identité culturelle catalane. Le bâtiment de sa fondation, crée pour favoriser l'étude et la compréhension de l'art contemporain, est l'œuvre de l'architecte moderniste Lluís Domènech i Montaner.
À l'image de Tàpies, d'autres artistes mettent avant leur originalité régionale comme Josep María Subirachs, qui réalise de nombreuses sculptures monumentales pour Barcelone, et notamment pour la Sagrada Família. De même, l'architecte et sculpteur Santiago Calatrava Valls, de renommée internationale, reste profondément attaché à sa ville natale, Valence. Il y réalise de nombreux projets, tels que le centre culturel La Reina Sofia Palau de les Arts (2005), le pont d'Alameda, la station de métro « La Peineta » (1991-1995), etc., et dans le reste de l'Espagne, le pont Bach de Roda (1984) pour les jeux Olympiques de Barcelone, ou encore le pont d'Alamillo (1987-1992) pour l'Exposition internationale de Séville.
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Écrit par
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
Classification
Médias