ESPAGNE (Arts et culture) La langue
L'année 1492 est fondamentale pour la destinée de la langue espagnole. Avant cette date, la Péninsule connaissait une période de fort dialectalisme, et la littérature, très estimable, était cependant relativement peu abondante. À la fin du xve et au début du xvie siècle, le castillan (espagnol) arrive à maturité et devient le moyen d'expression d'une littérature de prestige mondial, en même temps qu'il termine son unification et que les conquistadores le répandent à travers presque toute l'Amérique.
Il devait naturellement en résulter une nouvelle source de différenciation, n'entraînant cependant pas de difficultés d'intercompréhension. Les variétés régionales sont nombreuses, mais les moyens modernes de diffusion et de communication limitent les écarts phonétiques, syntaxiques et lexicaux.
L'espagnol, parlé par près de trois cent cinquante millions d'hommes, est enseigné comme seconde langue étrangère dans de nombreux pays. Il occupe une place importante dans la plupart des organismes internationaux.
Histoire de l'espagnol
Les origines
La préhistoire de la péninsule Ibérique est complexe et mal connue. Sur un plan strictement linguistique, les vestiges des anciens peuplements se manifestent essentiellement dans la toponymie : Gadir (Cádiz) est phénicien ; Cartagena, carthaginois ; Emporion (Ampurias) est grec ; Sigüenza, Segovia sont celtes. L'extension vers le sud (province de Burgos) des toponymes d'origine basque montre que cette langue connaissait une aire beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui. Sont des emprunts anciens au basque des mots tels que urraca, « pie », izquierda, « gauche » (qui a remplacé siniestra), pizarra, « ardoise », ou becerro, « veau ». Des substrats préromains sont vraisemblables dans quelques cas d'évolution phonétique : le caractère apico-alvéolaire du s castillan, le passage du f-latin à l'aspirée (h), qui disparaît ensuite (filum → hilo, prononcé à présent « ilo ») ; en morphologie, on peut citer quelques suffixes : -ieco, -ueco ; des mots enfin, liés à la vie locale : barro, « boue, terre » ; manteca, « graisse » (d'où mantequilla, « beurre ») ; páramo « lande ».
Les Latins arrivent en Espagne en 218 avant J.-C., et la conquête dure deux siècles. La langue importée est en premier lieu celle des soldats, pleine de régionalismes et d'archaïsmes. Ainsi se forme un latin vulgaire hispanique, qui avait déjà intégré par ailleurs un certain nombre de mots d'origine grecque, comme cada, « chaque », jibia, « seiche » ou bodega, « cave ». Ce parler forme la base de l'espagnol. Plus tard, au cours des siècles, des mots latins seront réintroduits tels quels dans la langue (les « mots savants ») : pésimo, « très mauvais » ; oración, « prière » ; auxilio, « aide » ; honorar (cf. honrar, « honorer ») ; delicado (cf. delgado, « mince »). Un certain nombre de mots dérivés du latin ne survivent que dans la Péninsule, comme cuyo, « dont », ou seulement dans les autres zones conservatrices de la Romania orientale : hablar, « parler » ; hervir, « bouillir » ; hermoso, « beau » ; hallar, « trouver ».
Les invasions germaniques commencent en 409 avec les Suèves, les Alains et les Vandales. Ce sont les Wisigoths qui, s'installant dans la Péninsule pendant trois siècles, laissent de nombreuses traces dans le lexique. Les germanismes sont très fréquents dans l'onomastique (Rodrigo, Bernardo, Enrique, Arnaldo), dans le domaine militaire : guerra, « guerre » ; robar, « voler, dérober » ; orgullo, « orgueil » ; albergue, « refuge, auberge » et dans bien d'autres : sala, « salle » ; falda, « jupe » ; guante, « gant » ; arpa, « harpe » ; desmayar, « évanouir » ; ganso, « oie »...[...]
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Écrit par
- Bernard POTTIER : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de linguistique générale à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Médias