ESPAGNE (Arts et culture) La littérature
Le siècle des Lumières et le XIXe siècle
Le siècle des Lumières
La prose académique et oratoire se développe pendant le xviiie siècle, mais aussi la prose critique. Les travaux de Jean Sarrailh ont révélé l'importance de cette Espagne des Lumières sous le règne du despote éclairé Charles III et l'œuvre de maints écrivains, réformateurs, hommes d'État, inspirés par les encyclopédistes français et les économistes anglais. Une des figures les plus représentatives de ce mouvement est l'écrivain et homme d'État Jovellanos (1744-1811).
L'esprit d'insidieuse malice perce partout, dans les écrits du padre Isla, jésuite, et du padre Feijoó, bénédictin, au théâtre, en poésie, dans toutes sortes d'ouvrages, « à la française ». Bon nombre des écrivains de ce temps seront des afrancesados, comme Goya le fut. Enfin, la mode est aux scènes de la rue, aux fêtes populaires, aux corridas. Cela se manifeste avec vivacité dans les saynètes de Ramón de la Cruz.
Le romantisme
Le romantisme est également une période où les influences et les échanges semblent mêler l'Espagne aux courants européens. Ainsi y a-t-il du byronisme dans le lyrisme passionné d'Espronceda (1808-1842). Ainsi y a-t-il du ton des ballades des romantiques européens dans les poèmes légendaires de José Zorrilla (1817-1893). Mais ils sont aussi de saveur espagnole et le Don Juan Tenorio, comme un rite national, est joué dans tout le pays, au jour des Morts.
Il faut attendre un peu plus tard pour avoir en Gustavo Adolfo Bécquer (1836-1870) le type même du poète romantique mort jeune et dont les accents amoureux demeurent à jamais dans toutes les mémoires. Son œuvre poétique, à côté de quelques écrits en prose, dont les Légendes, ne tient que dans un mince recueil de très courts poèmes, souvent d'une ou deux strophes seulement, et qui porte le titre modeste de Rimes. La comparaison avec Heine s'impose : ce sont vraiment des lieder qui, comme ceux du poète allemand, racontent, sur un ton tour à tour mélancolique, rêveur, désespéré, sarcastique, tendre, passionné, une histoire d'amour. La prosodie est libre, donc savante et comme s'adaptant à la musique sur laquelle on pourrait faire chanter ces vers, et qui est la musique du cœur. Mais nous pourrions aussi, puisque Bécquer était andalou, né à Séville, réduire cette musique, en notre oreille intérieure, à quelques accords de guitare.
Cette œuvre si brève n'en est que plus intense. C'est un concentré de sentiment et de poésie dont ne cesse d'émaner un charme extraordinaire.
Une littérature, dans la suite de certaines tendances du siècle précédent, s'intéresse aux mœurs locales, se soucie de situer la peinture de la vie réelle dans son cadre social et régional : on l'appelle le costumbrismo. Elle recherche moins le pittoresque et la couleur que la vérité. Et la préoccupation du problème national est au fond de cette inquiétude. Ainsi Mariano José de Larra (1809-1837), qui se suicide en pleine jeunesse, a-t-il, dans ses chroniques de la vie sociale espagnole, dit avec ironie et mélancolie le vide de cette vie.
Le roman espagnol du XIXe siècle
L'existence espagnole est, en effet, vide et vaine, provinciale, sans issue. Les plus généreux efforts de l'esprit libéral et démocratique se heurtent à une monarchie fondamentalement régressive. Des pronunciamientos dont certains, d'ailleurs, sont à tendances libérales, jalonnent, comme autant de secousses sans lendemain, la vie politique. Toutes sortes de problèmes propres à l'Espagne, dus à l'énorme emprise cléricale, à de mauvaises conditions économiques et financières, aux revendications autonomistes de provinces aussi nettement tranchées que la Catalogne et le Pays basque, font que cette vie politique ne trouve pas son équilibre, ne réussit pas à suivre[...]
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Écrit par
- Jean CASSOU : écrivain
- Corinne CRISTINI : maître de conférences à la faculté des lettres, Sorbonne université
- Jean-Pierre RESSOT : ancien maître de conférences, université de Paris-IV-Sorbonne, U.F.R. de langue et littérature espagnoles
Classification
Médias