ESPAGNE (Le territoire et les hommes) De l'unité politique à la guerre civile
Il est deux façons de suivre le déroulement de l'histoire de l'Espagne depuis le xvie siècle : de l'extérieur ou de l'intérieur. Si l'on se place à l'extérieur, ce pays apparaît mêlé étroitement à la grande politique européenne jusqu'au début du xixe siècle, puis réduit à l'état de petite puissance et se cantonnant le plus souvent dans la neutralité.
Au xvie siècle, l'Espagne, à la suite de la constitution de l'empire de Charles Quint, devient soudain la puissance prépondérante en Europe. Maîtresse d'un domaine colonial qui lui fournit en abondance l'or et l'argent, elle dépense ces richesses sur les champs de bataille. Paladins du catholicisme, l'empereur et son fils Philippe II s'efforcent d'arrêter les progrès du protestantisme en Allemagne, puis aux Pays-Bas et en France, tout en faisant face au danger turc en Méditerranée. Au début du xviie siècle, l'Espagne fait encore grande figure, mais sa faiblesse interne et la politique française poursuivie avec continuité par Richelieu, Mazarin et Louis XIV, l'obligent à céder de nombreux territoires. Et quand s'éteint la dynastie habsbourgeoise, la guerre de Succession d'Espagne entraîne la perte des possessions d'Italie et des Pays-Bas. Le règne des Bourbons marque un redressement du pays qui participe aux mouvements de réforme européens. Il obtient quelques succès militaires et diplomatiques et, malgré l'hostilité de l'Angleterre, conserve son empire colonial.
Entraînée dans les guerres de la Révolution, l'Espagne se met à la remorque de Napoléon. Un sursaut d'énergie lui fait rejeter un roi intrus et elle étonne l'Europe en mettant en échec les armées impériales. Mais, au xixe siècle, elle perd la plupart de ses colonies d'Amérique et use ses forces dans une succession assez incohérente de révolutions, de coups d'État et de guerres civiles.
Écrasée par les États-Unis en 1898, elle doit abandonner Cuba, Puerto Rico et les Philippines. En retard sur le plan économique et scientifique, elle passe alors, malgré la floraison des talents littéraires et artistiques, pour une puissance de second ordre. La chute de la monarchie en 1931 paraît dans la logique des choses, mais on ne prête guère attention aux tribulations de la IIe République. Brusquement, en 1936, la guerre civile éclate, avec son cortège d'héroïsme et d'horreurs. Alors Européens et Américains se passionnent pour cette lutte à la fois religieuse, idéologique et sociale, et viennent en aide à l'un ou l'autre camp. Volontaires et matériel étrangers affluent, prolongeant le conflit, sorte de répétition générale de la Seconde Guerre mondiale.
Si l'Espagne est sensible aux grands courants d'idées qui traversent l'Europe, elle n'en garde pas moins une personnalité assez mystérieuse. Selon Sánchez Albornoz, elle constitue « une énigme historique ». C'est pourquoi une vue extérieure est insuffisante ; il faut aussi regarder de l'intérieur. Les Espagnols, évidemment, n'y ont pas manqué. Tel événement, tel personnage ignoré au-dehors a sa place dans les manuels d'histoire. On a discuté à perte de vue sur les causes de la « décadence », sur la nécessité d'européaniser l'Espagne ou de défendre ses traditions. Des savants étrangers ont également cherché à éclaircir tous ces problèmes. Servie par la conservation d'incomparables archives, la science historique a réalisé de notables progrès. Aux études traditionnelles sur la politique et la religion sont venues s'adjoindre des recherches sur la démographie, l'économie, la société, les idées et les sentiments. Ainsi, quelques caractères originaux de l'histoire nationale ont pu être mis en relief.
Nous référant une seconde fois à Sánchez[...]
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Écrit par
- Henri LAPEYRE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble
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Médias