ESPAGNE (Le territoire et les hommes) De l'unité politique à la guerre civile
La IIe République et la guerre civile (1931-1939)
Les événements qui se sont déroulés pendant la brève durée de la IIe République et au cours de la guerre civile ont donné lieu à une énorme littérature où la propagande tient beaucoup de place. Il est difficile d'en présenter une vue objective.
Causes de la guerre civile
On a recherché les causes lointaines de cette crise d'une ampleur inaccoutumée dans le déséquilibre profond dont souffrait la société espagnole, dans la répartition très inégale de la propriété, surtout dans le Sud, dans la faiblesse de la bourgeoisie et des classes moyennes.
Il semble bien que l'Espagne ait manqué d'une base solide pour le fonctionnement d'une véritable démocratie. Ajoutons qu'à cette époque de grandes luttes idéologiques entre communisme, fascisme et libéralisme se déroulent en Europe et que l'écho en a retenti en Espagne. De même pour les conséquences de la crise économique mondiale qui débute en 1929. Elle a stoppé l'émigration, augmenté la pression démographique et amené un effondrement du commerce extérieur, qui est descendu au tiers de ce qu'il était sous Primo de Rivera. La production minière et sidérurgique a subi un recul. Le nombre des chômeurs atteignit un niveau inquiétant (675 000 en 1936). Seuls éléments favorables dans ce tableau, les bonnes récoltes de blé de 1932 et 1934 et une prospérité relative de l'industrie textile catalane. Pendant la IIe République, l'exaspération de tous les conflits, entre possédants et prolétaires, entre catholiques et anticléricaux, entre centralistes et régionalistes ne rendait possible que la révolution ou la dictature militaire. Et cela d'autant plus que, de part et d'autre, on n'écartait nullement le recours à la force. Dans l'armée revivait l'ancienne tradition des pronunciamientos. Du côté des masses ouvrières et chez les paysans les plus misérables dominait l'esprit révolutionnaire. Nulle part l'anarcho-syndicalisme, groupé dans la C.N.T. et poussé par les éléments beaucoup plus actifs de la F.A.I. (Federación anarquista ibérica), n'était aussi puissant. Et si le communisme ne comptait que peu de militants, toute une fraction du parti socialiste et de l'U.G.T., menée par Largo Caballero, n'était plus disposée à se contenter de simples réformes. La constitution, en 1933, d'un nouveau parti réunissant la Phalange de José Antonio Primo de Rivera, fils du dictateur, et les Juntes offensives national-syndicalistes (J.O.N.S.) augmentait encore le nombre des partisans de la manière forte. C'est ainsi qu'on en arriva au terrible affrontement de 1936.
La IIe République
En 1931, les perspectives ne paraissaient pas aussi sombres, et c'est dans une atmosphère d'enthousiasme et dans le calme que s'effectua le changement de régime. Un gouvernement provisoire se forma sous la présidence d'un ancien ministre de la monarchie, Alcalá Zamora. Il réunissait des opinions très diverses : républicains conservateurs (Miguel Maura), radicaux (Alejandro Lerroux), radicaux-socialistes et Action républicaine (Manuel Azaña), socialistes modérés (Indalecio Prieto) ou avancés (Largo Caballero), catalanistes et autonomistes galiciens (Casares Quíroga). Malgré la mauvaise impression causée par l'incendie de quelques couvents à Madrid, les élections de juin 1931 donnèrent une énorme majorité à cette coalition où les éléments de gauche étaient prépondérants. En Catalogne, en particulier, un parti nouveau, l'Esquerra, supplantait la vieille Lliga, plus modérée. Cette région avait mis à sa tête, dès le 14 avril, un fougueux partisan de l'autonomie, le colonel Macía, qui s'était hâté de proclamer la République catalane. Le gouvernement évita la rupture en promettant une large autonomie. Très vite, les difficultés s'accumulèrent. Les articles anticléricaux insérés dans le projet[...]
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Écrit par
- Henri LAPEYRE : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble
Classification
Médias