ESPAGNE (Le territoire et les hommes) Des Wisigoths aux Rois catholiques
L'Espagne musulmane
La défaite de 711 entraîna la soumission de la quasi-totalité de la péninsule ; seules les régions montagneuses de l'« Espagne humide » (monts Cantabriques, Pyrénées occidentales) échappèrent aux conquérants, qui ne paraissent pas s'être souciés d'y établir leur domination. Les populations rurales adoptèrent facilement la foi nouvelle ; quant aux villes, elles obtinrent fréquemment des « capitulations » qui garantissaient aux chrétiens passés sous le joug musulman ( mozarabes) le libre exercice de leur culte et le maintien de leurs autorités traditionnelles (parmi lesquelles les évêques).
Cordoue et l'apogée musulman
D'abord dépendance lointaine du califat de Damas, l'Espagne musulmane (al-Andalus) s'en rendit indépendante sous le prince omeyyade ‘Abd al-Rahmān qui, réfugié en Andalousie, se proclama émir et fixa sa résidence à Cordoue (756). Mais son autorité et celle de ses successeurs ne purent s'imposer qu'en triomphant de multiples obstacles : ambitions rivales des groupes ethniques (Arabes, Berbères, Syriens) qui avaient pris part à la conquête ; rébellions de gouverneurs locaux, tel Sulaymān al-‘Arābī, gouverneur de Saragosse, qui demanda l'appui de Charlemagne et l'engagea dans l'infructueuse expédition de Roncevaux (778) ; velléités d'indépendance de certaines villes qui, comme Tolède et Mérida, conservaient une nombreuse population mozarabe. L'œuvre de pacification et d'organisation intérieure trouva son couronnement sous le règne d' ‘Abd al-Rahmān III (912-961) qui, en 929, abandonna le titre d'émir pour prendre celui, plus prestigieux, de calife.
Doté d'une administration centralisée, disposant d'institutions judiciaires et financières perfectionnées, l'État califal contraste fortement avec les États chrétiens d'Occident où triomphe le morcellement féodal. Il dispose d'une armée importante et sa marine domine la Méditerranée. Sa prospérité économique est éclatante : l'agriculture est améliorée par l'extension des irrigations et par l'introduction de cultures nouvelles (canne à sucre, riz, mûrier) ; un artisanat nombreux, travaillant la soie, le cuir et les métaux, anime la capitale et les grandes villes (Almería, Séville) ; le direm d'or joue le rôle de monnaie internationale dans le monde méditerranéen. La tolérance dont jouissent les mozarabes moyennant le paiement d'un tribut leur permet de participer à la vie économique et à la vie publique.
La chute du califat et les « royaumes de taifas »
Cependant, même au temps de sa plus grande puissance, le califat n'est pas parvenu à refouler les chrétiens des régions cantabriques qui, à la faveur des troubles intérieurs, n'ont cessé de progresser vers le sud. Contre eux, Muhammad al-‘Abd Allāh, Premier ministre (hachib) du faible calife Hishām II, lance, à la fin du xe siècle, une série d'expéditions dévastatrices qui lui vaudront le surnom d'al-Mansūr (le Victorieux). Mais sa mort, au retour d'une dernière campagne (1002), sonne le glas du califat. Entre les différentes bandes (tā'ifas), dont chacune tente de porter son chef au pouvoir, se livrent des luttes confuses qui aboutissent à la disparition du califat (1031) et au partage de son territoire entre des « royaumes de taifas », aux frontières incertaines et à l'existence parfois éphémère. Parmi les plus importants se détachent les royaumes de Saragosse, d'Almería et de Valence, et surtout celui de Séville, qui domine la majeure partie de l'Andalousie, avec Cordoue, et apparaît au xie siècle comme l'héritier du califat.
La civilisation hispano-musulmane
Cordoue avait été, à l'époque califale, un centre actif de vie intellectuelle, en contact avec les autres foyers de[...]
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Écrit par
- Marcelin DEFOURNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
Classification
Médias