ESPAGNE (Le territoire et les hommes) Des Wisigoths aux Rois catholiques
La Reconquista (VIIIe-XIIIe siècle)
La Reconquête est la grande entreprise de l'Espagne médiévale, mais il serait inexact de la considérer comme une lutte continue, mobilisant en permanence toutes les forces chrétiennes. On a pu voir, en effet, spécialement au xie siècle, des barons chrétiens (tel le Cid) se faire les défenseurs de certains roitelets musulmans contre leurs rivaux. Néanmoins, le souvenir du royaume de Tolède, conservé par les clercs, contribua à nourrir le sentiment d'une « légitimité » qui postulait la revendication de tout l'héritage du royaume gothique.
Les noyaux de résistance et la naissance des monarchies chrétiennes
La tradition fait de Pélage, ancien dignitaire de la cour de Tolède, vainqueur des Musulmans à la bataille de Covadonga (env. 722), le premier caudillo de la Reconquête. Il s'agit en fait d'un épisode de la résistance chrétienne dans les montagnes asturiennes où s'est constitué, autour d'Oviedo, un « royaume des Asturies ». Mais, dès le milieu du siècle, les chrétiens s'enhardissent à sortir de leurs montagnes et font de profondes incursions en territoire musulman. La « découverte » du corps de saint Jacques, à Compostelle, au début du ixe siècle, contribue à exalter le zèle des combattants et l'apôtre est désormais associé à la lutte comme un « anti-Mahomet ». À l'époque d' Alphonse III le Grand (866-911), les chrétiens tiennent assez solidement la ligne du Douro pour n'en être plus délogés, et la capitale du royaume peut être transférée à León. Mais cet accroissement territorial entraîne la sécession du comté de Castille qui formait la partie sud-orientale du royaume léonais. Entre-temps, d'autres centres de résistance se sont affirmés en Navarre (Pampelune) et dans les hautes vallées aragonaises (Jaca).
Tous ces territoires se trouvent, pendant quelques années, réunis sous l'autorité du roi de Navarre Sanche le Grand (1000-1035), mais sa mort amène un partage successoral : la Castille et l' Aragon deviennent indépendants, leurs comtes prennent le titre de roi.
Au nord-est de la péninsule, la « marche d'Espagne », conquise sous Charlemagne et rattachée à l'empire franc, acquiert progressivement l'indépendance sous des comtes nationaux, parmi lesquels les comtes de Barcelone qui, au xie siècle, imposent leur autorité à toute la Catalogne.
Les grands siècles de la Reconquête (XIe-XIIIe siècle)
La dislocation du califat de Cordoue, au début du xie siècle, a modifié l'équilibre des forces dans la péninsule. Vers la même époque, l'Espagne chrétienne, qui a vécu jusque-là presque en marge de la chrétienté occidentale, s'ouvre à son influence. Appelés par les souverains qui leur confient la réforme des monastères et leur offrent de nombreux sièges épiscopaux, les moines de Cluny contribuent à nouer des relations entre les monarchies hispaniques et les grandes dynasties féodales françaises (comtes de Toulouse, ducs de Bourgogne). Le pèlerinage de Compostelle, qui connaît aux xie et xiie siècles son grand essor, multiplie les contacts entre l'Espagne et l'Europe. Sur le « chemin français » qui mène en Galice circulent des hommes, des marchandises, des idées, des formes d'art ; par les « ports » pyrénéens passent barons et chevaliers qui viennent apporter leur appui à la lutte contre l'Infidèle ; des ordres religieux et militaires (Calatrava, Saint-Jacques, Alcantara) se créent sur le modèle des milices monastiques (Templiers, Hospitaliers) qui combattent en Terre sainte.
Cependant, le succès de l'offensive chrétienne va provoquer, à deux reprises, des réactions violentes, véritables tentatives de reconquête islamique par des envahisseurs venus d'Afrique du Nord, les Almoravides, puis les Almohades.
Devenu le plus puissant[...]
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Écrit par
- Marcelin DEFOURNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
Classification
Médias