ESPAGNE (Le territoire et les hommes) Des Wisigoths aux Rois catholiques
L'époque des Rois Catholiques
Par les deux grands faits qui marquent la date de 1492 : prise de Grenade et découverte de l'Amérique, le règne des Rois Catholiques constitue la charnière entre le Moyen Âge et les Temps modernes.
L'autorité monarchique en Castille atteint son point le plus bas sous le règne d'Henri IV « l'Impuissant » (1454-1474) qui, en désignant tour à tour comme héritières sa fille (prétendue ?) Jeanne et sa sœur Isabelle, déchaîne une série de guerres nobiliaires qui ne prennent fin qu'en 1479, au moment même où la mort de Jean II d'Aragon appelle sur le trône son fils Ferdinand, mari d'Isabelle.
L'« unification » de l'Espagne
L'union des deux grandes monarchies sous l'autorité des « deux rois » (los reyes) n'implique pas l'unification politique de l'Espagne, car Castille et Aragon conservent leurs institutions propres. Mais l'entente étroite des souverains se traduit par une influence réciproque de la politique des deux royaumes et aboutira à donner à la Castille, grâce à sa supériorité démographique et territoriale, un rôle dirigeant dans l'héritage qu'ils légueront à leurs successeurs.
Bien que resté actif du point de vue économique et artistique (construction de l'Alhambra, xive-xve siècle), le royaume de Grenade mène depuis deux siècles une existence précaire en raison des rivalités de palais et de la menace chrétienne qui l'a contraint à se reconnaître tributaire de la Castille. La rébellion du prince Boabdil (Abū ‘Abd Allāh) contre son père donne à Isabelle l'occasion de porter le coup décisif en s'emparant de Grenade en janvier 1492.
Les « capitulations » accordées à Boabdil, qui garantissaient à son peuple le maintien de sa religion, allaient à l'encontre de la politique de plus en plus intolérante suivie à l'égard des minorités religieuses. Pour surveiller les conversos et juger les relaps a été créé en Castille le tribunal de l' Inquisition (1478) ; en 1492, les juifs doivent choisir entre la conversion et l'expulsion ; dans les années suivantes les Maures grenadins font l'objet d'une campagne de conversions forcées qui provoque un soulèvement général. Après son écrasement, les Maures doivent s'exiler ou accepter le baptême (1502).
Dans chacun des deux royaumes, les souverains travaillent à renforcer l'autorité monarchique. En Castille, Isabelle, qui a utilisé les forces de la Santa Hermandad, composées de contingents urbains, pour ramener la noblesse à l'obéissance, révoque certaines « grâces » arrachées à ses prédécesseurs ; dans ses Conseils, elle donne aux letrados une place prépondérante par rapport à la haute noblesse. Ferdinand se fait reconnaître par la Papauté la « maîtrise » des ordres militaires, qui mettent à sa disposition leurs énormes revenus fonciers. Mais si ces mesures réduisent le pouvoir politique de l'aristocratie, elles ne lui enlèvent pas la puissance sociale que lui assure la possession de très vastes domaines.
Quant aux villes, utilisées d'abord comme un appui contre la noblesse, elles voient ensuite réduire leur autonomie, l'élection de magistrats municipaux faisant place à la nomination ou à la vente des offices par le souverain, qui généralise l'institution des corregidores, représentants du pouvoir royal. En Aragon, Ferdinand met fin aux luttes entre patriciat et éléments populaires, sur la base d'une plus juste répartition des charges dans le Conseil des Cent de Barcelone et dans les autres municipalités catalanes.
Les entreprises extérieures
Dans la politique européenne, le rôle prépondérant est joué par Ferdinand, qui dispute victorieusement aux rois de France Charles VIII et Louis XII la possession du royaume de Naples. Cette lutte entraîne la rupture de l'alliance[...]
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Écrit par
- Marcelin DEFOURNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
Classification
Médias