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ESPAGNE (Le territoire et les hommes) L'ère franquiste

Bases socio-politiques et orientations idéologiques

L'image selon laquelle l'État franquiste procéderait de l'affrontement de deux fractions inconciliables de la nation espagnole n'est donc pas inexacte. C'est pourquoi on contreviendra ici à l'usage courant qui consiste à examiner au préalable les institutions d'un régime pour situer d'abord le spectre politique de la « nation franquiste ».

L'armée

Francisco Franco, 1939 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Francisco Franco, 1939

L' armée est à l'origine même de la dictature du général Franco, et demeure jusqu'à la fin son pilier central. Les généraux insurgés en juillet 1936 optent d'abord pour un gouvernement militaire collégial dont la présidence revient à l'aîné d'entre eux, le général Cabanellas. Deux mois plus tard, si leur quête d'un chef unique et plus prestigieux les conduit à faire appel à Francisco Franco, ils entendent que le mandat qui lui est confié le 29 septembre ne le soit qu'à titre provisoire, qu'il se limite aux fonctions de chef du gouvernement. D'où l'équivoque fondamentale créée par le décret du 1er octobre 1936 et la loi du 8 août 1939, dans lesquels le Caudillo s'autoproclame chef de l'État pour la durée de la guerre, puis se confirme ce titre à vie.

Pourtant, ces manières de révolution de palais ne lui aliènent pas l'appui de l'armée. D'une part, les chefs militaires sont divisés dans leurs orientations politiques. Si la plupart sont royalistes, les uns demeurent fidèles à une conception légitimiste d'un autre âge, le carlisme, tandis que d'autres souhaitent la restauration d'Alphonse XIII et d'une monarchie de style plus actuel. De plus, nombreux sont également les officiers liés à l'extrême droite de tendance fasciste, très hostiles aux précédents, ainsi que les militaires républicains rebelles au gouvernement issu du Front populaire, mais préoccupés seulement de la restauration d'un régime d'ordre légaliste. Par son habileté à ménager les susceptibilités de ces différents courants sans en laisser prévaloir aucun, Franco parvient à s'ériger non seulement en dictateur providentiel du nouvel État, mais en arbitre indispensable de l'armée elle-même.

Rassurée quant au maintien de son unité, satisfaite d'être enfin menée à la victoire après les humiliantes défaites de la guerre de Cuba et du Maroc, comblée de se voir reconnaître à nouveau la suprématie dans l'appareil de l'État, l'armée accepte de voir Franco assumer cette prééminence en son nom. Confortée dans son idée d'être la garante et l'expression primordiale de la cohésion nationale, elle comprend que le souci de préserver ce rang doit l'empêcher de contester ouvertement le pouvoir du Caudillo. Dans cette perspective, le franquisme apparaît tout à la fois comme une dictature militaire et comme le plus civil des régimes que l'Espagne ait connus depuis le xixe siècle, dans la mesure où la présence de très nombreux généraux dans les gouvernements du général Franco va de pair avec une discipline quasi totale de l'armée sur le plan politique.

L'Église

Mais sans doute l'armée n'apporte-t-elle au régime franquiste que le renfort de la force brute, ou ne contribue-t-elle qu'à l'une de ses composantes idéologiques : celle qui touche à l'exaltation de l' unité nationale et à la condamnation absolue des séparatismes basque et catalan. Pour l'essentiel, cependant, la doctrine de l'« État nouveau » instauré à partir de 1936 procède de l'Église, au point que le franquisme apparaît comme un national-catholicisme bien plus que comme un avatar ibérique du fascisme européen.

Pourtant, si la plus grande partie du clergé et des masses catholiques se rallie d'enthousiasme au soulèvement militaire, l'attitude de la hiérarchie[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite à la Fondation nationale des sciences politiques

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Médias

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