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ESPAGNE (Le territoire et les hommes) L'ère franquiste

L'État franquiste

Même si les institutions d'un régime autoritaire revêtent en général moins d'importance pratique que celles d'un régime démocratique, on ne peut oublier totalement celles de l'État franquiste. Reste, toutefois, qu'il convient de distinguer à cet égard l'aspect édifiant représenté par l'agencement formel d'un pouvoir défini par une série de lois de catégorie constitutionnelle, de son aspect efficient lié longtemps à l'autorité absolue du général Franco.

L'édifice institutionnel

La loi du 8 août 1939 concentre tous les pouvoirs sur la personne du chef de l'État, y compris le pouvoir législatif et le pouvoir constituant. Par la suite, une série d'additions vient compléter l'édifice, afin de le rendre plus conforme au langage des démocraties triomphantes sans en modifier la nature autoritaire quant au fond.

Dès le 17 juillet 1942, une loi de rang constitutionnel restaure l'appellation de Cortes pour désigner la nouvelle assemblée corporatiste du régime, dont il n'est évidemment pas question qu'elle soit élue au suffrage universel, ni qu'elle excède son rôle de chambre d'acclamation. Après la victoire alliée, la loi du 22 octobre 1945 autorise le chef de l'État à faire approuver par référendum toute mesure qu'il souhaiterait revêtir des apparences de la légitimité populaire. Approuvée en vertu de cette procédure, la « loi de succession » du 26 juillet 1947 crée la catégorie des lois fondamentales du régime, à laquelle se trouvent rattachées les deux lois précédentes, et que doivent compléter d'autres textes de rang constitutionnel. Elle confirme simultanément que Franco exerce la magistrature suprême sans limitation de temps, précise les modalités de son remplacement pour le cas où il n'y aurait pas pourvu lui-même, affirme enfin le caractère monarchique de l'État espagnol. L'Espagne est un royaume sans roi, dont le Caudillo instaurera, quand il le jugera bon, la dynastie régnante.

Après une longue hésitation, la loi du 26 juillet 1957 apporte une retouche au système en distinguant les fonctions de chef de l'État et de chef du gouvernement, étant entendu que le général Franco continuera à cumuler ces fonctions aussi longtemps qu'il le voudra. Enfin, la loi organique de l'État promulguée le 10 janvier 1967 revoit le détail de certains mécanismes, notamment en ce qui concerne l'élection directe au suffrage universel dans les faits d'un tiers des membres des Cortes. « Tout étant lié et bien attaché », selon l'expression même de Franco, il ne lui reste plus qu'à se désigner un héritier présomptif. Ce qu'il fait au bénéfice du prince Juan Carlos de Bourbon le 23 juillet 1969. Le futur roi d'Espagne sera le petit-fils d'Alphonse XIII, détrôné en 1931. Toutefois, il devra sa légitimité non à l'hérédité dynastique, mais à l'investiture charismatique du Caudillo « par la grâce de Dieu ».

Le dictateur

De la même façon que les droits politiques des Espagnols n'ont rien à voir avec les généreux principes énoncés dans la charte – de rang également constitutionnel – promulguée le 17 juillet 1945, l'investiture présomptive que Franco octroie à son successeur illustre en fait la réalité du pouvoir « franquiste », par-delà la lettre des lois fondamentales.

Luis Carrero Blanco, 1973 - crédits : Gianni Ferrari/ Cover/ Getty Images

Luis Carrero Blanco, 1973

Franco gouverne de façon autocratique de 1936 à 1967, s'entourant de collaborateurs qui n'ont de responsabilité qu'envers lui, à commencer par les ministres. Après ce moment, le Caudillo vieillissant s'appuie davantage sur celui qu'on appellera son éminence grise : l'amiral Carrero Blanco, élevé à la vice-présidence du gouvernement de 1967 à 1973, et promu à sa présidence en juin 1973, six mois avant son assassinat. Toutefois, Franco ne délègue vraiment le pouvoir[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite à la Fondation nationale des sciences politiques

Classification

Médias

Francisco Franco, 1939 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Francisco Franco, 1939

Luis Carrero Blanco, 1973 - crédits : Gianni Ferrari/ Cover/ Getty Images

Luis Carrero Blanco, 1973

Juan Carlos I<sup>er</sup> - crédits : Alan Band/ Hulton Archive/ Getty Images

Juan Carlos Ier