ESPAGNE (Le territoire et les hommes) Le retour à la démocratie
Nom officiel | Royaume d'Espagne (ES) |
Chef de l'État | Le roi Felipe VI (depuis le 19 juin 2014) |
Chef du gouvernement | Pedro Sánchez (depuis le 2 juin 2018) |
Capitale | Madrid |
Langue officielle | Castillan (espagnol) 2
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Depuis les années 1970, l'Espagne a enregistré presque simultanément les trois « révolutions » – industrielle, socioculturelle puis démocratique – que la plupart des pays voisins ont affrontées de façon successive et sur près d'un siècle. De surcroît, il lui a fallu se réinventer un destin national et un État accepté de tous ses habitants. C'est dire que les défis devant lesquels les Espagnols se sont trouvés placés dépassaient le seul problème de l'aménagement d'un régime représentatif viable après trente-neuf années de dictature, et que les résultats obtenus dans ce domaine depuis la mort du général Franco n'en sont que plus remarquables, en dépit des lacunes que l'on relève encore.
L'Espagne rattrape l'Europe
L'image n'est pas fausse, d'une Espagne qui rattrape presque d'un coup tous les « trains » qu'elle avait manqués depuis le xviie siècle, qui passe en peu de temps, sur le plan matériel, d'un rang qui ne dépassait guère celui de la Turquie – vers 1950 – à celui de puissance industrielle de moyenne importance, en passe d'égaler la Grande-Bretagne dans la décennie de 1980. Reste qu'il faut cerner la nature et le revers de cette croissance, et en apprécier aussi l'impact socioculturel ambigu.
La croissance économique et son revers
Le bouleversement industriel de la fin de l'ère franquiste s'est traduit par l'accès de la majorité des Espagnols à ce qu'il est convenu d'appeler la consommation de masse. À cet égard, aucun indice n'apparaît plus significatif que celui de l'évolution de la distribution de la population active, en particulier de la régression spectaculaire de la part des travailleurs agricoles.
Mais le fait que l'Espagne rassemble, dès les années 1960, infiniment plus d'ouvriers, d'employés et de cadres que de paysans ne doit pas masquer les difficultés de ce changement, quand bien même il la fait entrer de manière irréversible dans la modernité. En un sens, la rapidité et la nature du développement espagnol ont accru la vulnérabilité du pays aux aléas de la conjoncture et aux soubresauts causés par la division internationale du travail. D'un côté, l'industrialisation de l'Espagne s'est accompagnée, pendant ses années fastes, d'un recours systématique à l'émigration de l'excédent de main-d'œuvre agricole. D'un autre côté, elle s'est trop fondée sur les facilités offertes par les investissements étrangers ou les emprunts sur le marché des capitaux extérieurs, ainsi que sur l'utilisation massive de licences de fabrication. Cette stratégie permettait de faire vite et de surmonter le handicap financier et technique des entrepreneurs nationaux. Mais elle comportait, d'abord, l'inconvénient de masquer artificiellement le sous-emploi. Elle entraînait, ensuite, le gonflement d'une dette externe qui atteint 21 milliards de dollars en 1982 (auxquels s'ajoutent les 6 milliards de la dette de l'État). Enfin et surtout, elle plaçait l'industrie espagnole sous l'étroite dépendance des firmes multinationales, françaises et italiennes puis américaines.
Si le fait n'est pas négatif en lui-même, et s'il explique pour beaucoup l'essor du début des années 1970, il s'intègre toutefois, pour les firmes étrangères, dans une politique inspirée de la théorie dite des avantages comparatifs. Avantages que l'Espagne se trouve en passe de perdre devant la concurrence des nouveaux acteurs industriels d'Asie du Sud-Est et d'Amérique latine, sans qu'elle ait pu acquérir la capacité d'innovation technologique et l'autonomie commerciale qui lui auraient permis de réorienter ses atouts à l'exportation. Sans porter de jugement sommaire et dénier toute valeur[...]
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Écrit par
- Guy HERMET : directeur de recherche émérite à la Fondation nationale des sciences politiques
- Mercedes YUSTA RODRIGO : professeur des Universités à l'université de Paris-VIII, membre de l'Institut universitaire de France
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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