ESPAGNE (Le territoire et les hommes) Le retour à la démocratie
Nom officiel | Royaume d'Espagne (ES) |
Chef de l'État | Le roi Felipe VI (depuis le 19 juin 2014) |
Chef du gouvernement | Pedro Sánchez (depuis le 2 juin 2018) |
Capitale | Madrid |
Langue officielle | Castillan (espagnol) 2
|
La naissance d'une démocratie
Le point primordial est bien celui-ci, puisqu'il ne peut exister de démocratie durable sans que s'élabore le champ des forces politiques susceptibles d'asseoir sa légitimité. Le chemin parcouru dans ce domaine est d'autant plus encourageant que la nouvelle monarchie constitutionnelle surgie en 1975 revêtait, au départ, tous les traits d'une démocratie octroyée plutôt que conquise, et paraissait donc porteuse de toutes les faiblesses d'une création artificielle.
La démocratie octroyée
Lorsqu'il devient roi le 22 novembre 1975, au lendemain de la mort du général Franco, Juan Carlos assume cette responsabilité suprême en vertu du dispositif prévu de longue date par le Caudillo. Les intentions démocratiques qu'il doit celer à ce moment se heurtent à toutes les pesanteurs du régime autoritaire encore en vigueur. Pesanteurs qui relèvent d'abord de la lettre même de dispositions constitutionnelles proscrivant un retour au « régime des partis », et qui découlent plus fortement encore de la puissance de l'armée et du maintien du personnel franquiste dans tous les rouages de l'État.
Le roi ne surmonte ces obstacles initiaux que parce qu'il jouit précisément de la confiance des militaires. Le charisme monarchique lui permet de réaliser ce qui, de la part d'un président élu ou investi par une révolution, aurait provoqué un putsch antidémocratique quasi immédiat. Dans cette perspective, son premier acte décisif est de demander sa démission, le 1er juillet 1976, au Premier ministre Carlos Arias Navarro, toujours en fonction depuis le vivant de Franco. Le successeur qu'il lui choisit est Adolfo Suárez, qui présente le double avantage de provenir lui aussi de l'appareil franquiste et même phalangiste, mais d'appartenir dans le même temps à la génération du roi et de concevoir qu'un maintien du système existant serait sans issue. Suárez connaît le sérail, mais c'est pour mieux le démembrer.
La seconde étape décisive se déroule sur cinq mois, de décembre 1976 à avril 1977. Le 15 décembre, un référendum sur la loi dite de réforme politique rend caducs tous les blocages mis en place par les institutions antérieures. Le 9 avril 1977, Suárez donne son sens démocratique à cette légitimité nouvelle en légalisant le Parti communiste, non point par une sympathie particulière à son endroit, mais parce que cette mesure tranche symboliquement le nœud gordien légué par la guerre civile. Il abandonne dès lors le vaisseau néo-franquiste d'une démocratie limitée aux secteurs conservateurs, en entraînant le roi dans son sillage.
Les événements s'accélèrent ensuite, sans que la rancœur des nostalgiques du passé parvienne à détourner l'armée de son attitude de fidélité au monarque. La liberté syndicale est restaurée en avril 1977, et l'élection des députés chargés de préparer une constitution entièrement nouvelle a lieu le 15 juin. Cette constitution, aujourd'hui en vigueur, est adoptée par référendum le 6 décembre 1978. Ces deux bouleversements, syndical et constitutionnel, scellent véritablement la mutation démocratique de la monarchie vieille d'une trentaine de mois.
Si la légalisation du Parti communiste marque la volonté d'ouverture idéologique et sociale du président Suárez et du roi, celle des syndicats ne contribue pas seulement à la renaissance des deux grandes centrales que sont l'Unión general de trabajadores (UGT, socialiste) et les Commissions ouvrières (proches des communistes). Au-delà, elle permet aux forces syndicales de reconnaître de leur côté la réalité du processus de démocratisation. Les syndicats renvoient en quelque sorte l'ascenseur au pouvoir, en concluant le 25 octobre 1977 le pacte de la Moncloa. Pacte qui entérine un accord de modération des revendications salariales, et démontre[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Guy HERMET : directeur de recherche émérite à la Fondation nationale des sciences politiques
- Mercedes YUSTA RODRIGO : professeur des Universités à l'université de Paris-VIII, membre de l'Institut universitaire de France
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias