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ESPÈCE, biologie

En sciences de la vie, l'espèce constitue l'unité fondamentale et la plus naturelle de la classification. Cette notion, omniprésente et essentielle dans le langage courant comme dans l'usage scientifique, peut paraître simple mais elle est difficile à définir. Dans la littérature scientifique, la notion d'espèce a fait l'objet de nombreuses définitions au cours du temps. Avec les travaux de Charles Darwin (1809-1882) sur l'évolution, la question a d'abord semblé se simplifier, ce naturaliste anglais ayant renoncé à définir ce concept qu'il jugeait archaïque. Puis la théorie moderne de l'évolution s'est accompagnée d'une réhabilitation de la notion et d'une prolifération de définitions. De là résulte aujourd'hui une situation de crise profonde qui provient en partie du fait que le terme espèce désigne à la fois une unité de classification et une unité d'évolution.

Un concept essentiel, avec ou sans évolution

Bien avant qu'il n'existe une théorie de l'évolution, les espèces ont été considérées comme les groupes d'organismes les plus naturels, les autres catégories taxinomiques (genre, famille, ordre, classe) étant plus artificielles. On doit au naturaliste anglais John Ray (1627-1705) d'avoir le premier réservé ce terme, qui était antérieurement un terme classificatoire appliqué à toutes sortes d'entités (vivantes ou non), à un usage spécifiquement biologique. Ray a défini l'espèce comme un groupe d'organismes dans lequel des caractères invariables se perpétuent lors de la génération, et tel que les individus d'une espèce ne puissent jamais être engendrés par des parents appartenant à une autre espèce. Cette caractérisation, fondée sur la descendance, indique la volonté de définir l'espèce non seulement sur la base d'un critère de ressemblance, mais aussi par un processus biologique qui les unit (la génération). Plus tard, avec Buffon (1707-1788), le caractère biologique de la notion s'accentuera, avec l'introduction du critère d'interfécondité : en plus de leur ressemblance et de leur descendance commune, les individus d'une même espèce sont capables de se croiser entre eux et de donner naissance à une progéniture féconde.

Charles Darwin - crédits : Spencer Arnold/ Getty Images

Charles Darwin

La théorie de l'évolution de Darwin a semblé d'abord aller dans le sens d'une vision nominaliste plutôt que réaliste de l'espèce biologique. Les termes « nominalisme » et « réalisme », capitaux pour le débat sur les espèces, renvoient à l'un des plus anciens problèmes philosophiques qui soient : celui de la portée des termes généraux du langage (« cercle », « carré », « rouge », « chien », etc.). Pour un réaliste, les termes généraux renvoient à quelque chose qui existe en soi ; pour un nominaliste, ce sont des constructions de l'esprit dont la valeur objective ne va pas au-delà des noms que l'on applique conventionnellement aux collections d'objets. Lamarck et Darwin ont soutenu que les espèces sont, comme toutes les autres catégories taxinomiques (genre, famille, ordre, classe...), des regroupements de convention. Mais leurs successeurs ont massivement réhabilité l'idée selon laquelle la catégorie d'espèce est la seule naturelle. Le contexte évolutionniste a néanmoins profondément changé la nature du problème car, avec l'évolution, les espèces ne sont plus des entités immuables : elles se modifient et descendent les unes des autres. Si elles se modifient, cela signifie qu'il n'est plus possible de définir une espèce donnée à partir d'une liste définitive de caractères essentiels. Quant à l'idée que les espèces « descendent » les unes des autres, elle implique d'admettre ce qui semblait totalement irrationnel et contraire aux faits dans l'ancienne vision fixiste, à savoir que les individus d'une espèce ne peuvent[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Charles Darwin - crédits : Spencer Arnold/ Getty Images

Charles Darwin

Populations de goélands autour du pôle Nord. - crédits : Encyclopædia Universalis France

Populations de goélands autour du pôle Nord.

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