ESPRIT, philosophie
Le Moyen Âge et la Renaissance
Il est difficile de cerner la spécificité du concept d'esprit dans la philosophie médiévale. Le mot désigne une généralité qui concerne l'ensemble des opérations de la connaissance, une sorte de faculté de l'activité psychique, par opposition avec le corps (la matière). Si l'on veut se montrer précis sur le fonctionnement de cette faculté, on a alors l'intellect (agent ou possible), très célèbre, quant à la notion et à l'expression, lorsque les théologiens philosophent. Signalons toutefois quelques vues intéressantes. On rencontre chez Almanne (ixe s.) un esprit (spiritus) qui illumine l'aisthesis (le sensible). Guillaume de Conches met l'accent sur la valeur physico-métaphysique de l'esprit, qui est regardé, avec le corps, comme un des deux éléments du vivant, ce dernier étant issu de la Sagesse unificatrice. Pour Alain de Lille, il est question d'un spiritus physicus qui est bien corporel et mobile entre le corps et l'âme. David de Dinant considère trois principes : Dieu (principe des substances spirituelles), noûs (entendement), hylè (matière, principe des corps). Le noûs est le principe des âmes, ce qui n'empêche pas une conception moniste, avec l'affirmation d'une identité de « matière » entre les trois « principes ». Saint Thomas, qui utilise souvent le terme d'intellect, voit néanmoins dans l'esprit une partie de la puissance opératoire de l'âme, un organe du raisonnement et de l'évidence (cf. les « idées innées »). Il y a même, le cas échéant, distinction entre l'intellect (intellectus) et l'esprit (mens), le second désignant l'organe qui conçoit, le premier la faculté de concevoir, voire son lieu dans le seul domaine de la logique. Pierre Auriol songe à un « esprit » qui est un milieu psychique instrumentant par l'intellect, ou simplement une capacité d'intellection (cf. Guillaume d'Ockham). Nicolas de Cues a composé un De mente. Cardan a envisagé une mens qui est créatrice ou interprétatrice. On rencontre une façon de métapsychologie dans les travaux de Charles de Bovelles : l'esprit serait une force (conatus) connaissante de par la précision de ses opérations issues de Dieu. Guillaume Postel, différenciant l'esprit et l'âme, fait de la mens une notion capitale. Il lui attribue une primauté d'origine divine.
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Écrit par
- Pierre CLAIR : docteur ès lettres
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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