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ESQUISSE, art

Forme première d'une œuvre, l'esquisse est la vision originelle matérialisée par le dessin, la peinture ou le relief. Aussi ce mot, qui vient de l'italien schizzare (jaillir, éclabousser), est-il attaché à l'idée de spontanéité et de rapidité dans la démarche d'un créateur. Fruit de l'imagination, l'esquisse ne répond à un souci ni de présentation ni d'achèvement puisqu'elle n'est, en principe, que l'état préliminaire d'un projet, destiné à demeurer dans l'atelier de l'artiste. Son format est presque toujours très réduit, sa technique hâtive. La forme d'esquisse la plus répandue est le croquis commun aux peintres, aux sculpteurs et aux architectes. Mais pour le sculpteur, l'idée première se traduit aussi directement en volume, sous l'aspect d'une esquisse modelée en argile ou en cire (le bozzetto), point de départ de la création de la sculpture. On a tendance à qualifier d'esquisse tout ce qui est peint et qui n'est pas un tableau complètement achevé. Or, il faut faire la différence entre l'étude (analyse de détail, d'exécution précise, servant à préparer l'œuvre), l'ébauche (qui n'est que le commencement d'un ouvrage non terminé) et l'esquisse. Encore est-il utile de connaître les différents genres d'esquisses peintes. Le premier jet, notation spontanée, établit les grandes lignes de la composition et les principales couleurs ; la mise au net donne ensuite à l'artiste l'idée complète de son œuvre, une fois qu'il a exécuté des études de détail ; le modèle sera présenté au commanditaire d'une œuvre, pour approbation. Après avoir achevé son tableau, le peintre réalise parfois une ou plusieurs versions réduites de facture rapide pour garder, par exemple, le souvenir de l'œuvre dans l'atelier (collection de portraits par Gérard au musée de Versailles). Enfin, des petites peintures sont appelées pochades parce qu'elles ont l'aspect d'une esquisse mais n'ont pas servi à préparer une œuvre (qui nous soit parvenue en tout cas), ou sont de libres interprétations d'après les toiles d'un autre peintre. Il semble donc que ce soit bien la technique et le format qui distinguent l'esquisse de l'œuvre en tant que telle. Aussi, n'est-il pas étonnant de voir que, très tôt, des amateurs se sont intéressés à ces petites peintures qui révèlent une grande liberté que la réalisation finale ne possède plus. Vasari note, en 1550, que le « certain degré d'audace » de l'esquisse se perd ensuite, tandis que Diderot proclame dans son Salon de 1765 : « Les esquisses ont communément un feu que le tableau n'a pas. » C'est de Venise que paraît venir ce goût pour l'esquisse peinte à l'huile, même si Giorgione et Titien ont peint directement sur la toile du tableau (alla prima), sans étapes intermédiaires sur un autre support — ce qui conserve à leurs œuvres quelque chose du dessein primitif. En effet, c'est de l'atelier de Tintoret que viennent de nombreuses esquisses à l'huile, brossées avec nervosité et lumière, dans des tons presque monochromes. Rudolf Wittkower a montré l'historique de la diffusion de l'esquisse, procédé technique promu au rang d'un vrai genre qui attire ceux qui sont curieux des origines de la démarche créatrice (introduction au catalogue Masters of the Loaded Brush, New York, 1967). Après Venise, Bologne (autour des Carrache) puis Milan (Cerano, Morazzone) et Gênes (Strozzi) deviennent des centres de l'esquisse. Un des maîtres incontestés du procédé, Rubens, a dans le nord de l'Europe laissé trace de la préparation de tous ses grands cycles décoratifs ou religieux sur de petits panneaux de bois peints avec légèreté et transparence. Mais les académies,[...]

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Écrit par

  • : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites

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