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ESSENCE, philosophie

Important terme philosophique ayant une très longue histoire. L'essence d'un être, c'est ce qu'il est vraiment, ce qui fait qu'il est ce qu'il est. « L'essence coïncide avec ce qu'il y a de plus intime et de presque secret dans la nature de la chose, bref ce qu'il y a en elle d'essentiel » (É. Gilson : L'Être et l'essence). C'est aussi ce qui d'un être est pensé comme immuable et éternel par opposition à son existence transitoire et périssable : « J'ai gardé la forme et l'essence divines de mes amours décomposées », dit Baudelaire dans Les Fleurs du mal.

Le problème de l'essence se divise en plusieurs questions selon les étapes de la réflexion philosophique.

1. L'essence, ou l'idée, est-elle douée, en tant qu'universel, d'une réalité spécifique et supérieure ? C'est le problème médiéval des universaux.

2. Pour Locke (Essais sur l'entendement humain, 1690), l'essence réelle d'une chose particulière est ce dont dépendent ses propriétés et qualités. L'essence nominale relève d'une décision de l'esprit qui fixe la coexistence de certaines propriétés dans une chose par un nom.

3. Le rapport entre l'essence et l'existence se pose différemment, selon toute une tradition, pour Dieu et pour l'être créé. « Dieu seul est existant par essence », disent saint Thomas et Descartes (Méditation cinquième). C'est l'argument dit ontologique, dont Kant fait la critique dans la dialectique de la Critique de la raison pure, mais dont l'histoire se prolonge, après Hegel, jusqu'à J. Lagneau et E. Lévinas (Totalité et infini, 1961).

4. À partir de Kierkegaard, la prise en considération de la singularité individuelle (liberté, solitude, angoisse), l'appel à l'authenticité de la subjectivité donnent naissance au courant existentialiste. « L'existence précède l'essence », telle est la formulation de certaines philosophies de la liberté.

5. Pour la philosophie contemporaine, l'interdit kantien de la chose en soi exclut que l'on veuille atteindre les véritables essences des choses. Ce que la science vise, c'est l'objectivité. Nous allons au réel armés de nos concepts, nous n'approchons pas les essences, ni dans un cheminement ascensionnel et ascétique, ni dans un dévoilement, aussi originaire soit-il. La quête de l'essence demeure présente cependant dans la phénoménologie. La « réduction eidétique » husserlienne substitue la considération des essences des choses à leur expérience.

6. Du point de vue sémantique, « essence » est resté synonyme d'espèce (eidos) en économie forestière. En chimie, on appelle essence le produit d'une distillation, ce qui a été purifié des substances étrangères, de l'accidentel. On peut ainsi penser que les différents sens du terme « essence » se laissent aisément unifier.

— Françoise ARMENGAUD

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

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