ESSÉNIENS
La secte juive des esséniens, fondée vers ~ 150 et qui disparaîtra deux siècles plus tard vers 68 après J.-C., a bénéficié d'une connaissance nouvelle avec la découverte, depuis 1947, d'un nombre important de manuscrits recueillis lors des fouilles du Khirbet Qumrān, sur la rive nord-ouest de la mer Morte. Les textes ont ranimé les querelles autour d'une thèse qu'Ernest Renan avait ainsi formulée : « Le christianisme est un essénisme qui a largement réussi. » Avant la mise au jour de leurs sites, les esséniens avaient suscité l'intérêt de quelques auteurs. Philon d'Alexandrie leur a consacré une notice dans le Quod omnis probus liber sit et une autre dans son Apologia pro Judaeis, qui se trouve reprise dans la Præparatio evangelica d'Eusèbe de Césarée. Flavius Josèphe mentionne les esséniens notamment dans la Guerre des juifs et dans les Antiquités judaïques. Pline l'Ancien les cite dans son Histoire naturelle et Hippolyte de Rome dans la Réfutation de toutes les hérésies.
Onze grottes de la région de Qumrān, cotées de 1 Q à 11 Q, ont livré les restes d'un millier de rouleaux dont une douzaine à peine sont à peu près complets. Le manuscrit d'Isaïe, en bon état de conservation, mesure 7,34 m de long et contient presque intégralement les soixante-six chapitres du livre. La bibliothèque essénienne comporte trois catégories d'ouvrages : les textes bibliques, les livres appelés « apocryphes » par les catholiques et les œuvres plus particulièrement consacrées à la doctrine de la secte. Tous les livres de la Bible juive canonique se trouvent à Qumrān, sauf Esther, écarté par les esséniens en raison de la fête de Purim qui y est mentionnée et qu'ils ne reconnaissent pas. On y rencontre aussi des textes rejetés par le judaïsme rabbinique mais admis par le judaïsme hellénistique et par les Églises chrétiennes (Tobie, la Lettre de Jérémie, la Sagesse de Ben Sira [l'Ecclésiastique]). Les apocryphes y sont nombreux. Leur contenu s'attache le plus souvent à des visions apocalyptiques et eschatologiques, genre peu encouragé par le judaïsme rabbinique et suspecté ou même interdit par les Églises chrétiennes, que le millénarisme a plusieurs fois inquiétées, sauf dans les débuts (livre des Jubilés, livre d'Hénoch, Testament de Lévi, Testament de Nephtali, Testaments des douze patriarches).
Le même goût pour les apocalypses se manifeste dans les écrits de la secte, dont l'histoire aujourd'hui mieux connue permet d'éclairer le sens. Vers ~ 150, un prêtre sadducéen de Jérusalem quitte la ville avec un petit nombre de partisans pour fonder une communauté sur le rivage de la mer Morte. La discipline, l'austérité et le mysticisme circonscrivent l'existence de ce « nouvel Israël » où se prépare l'ère eschatologique, le millénaire, le règne des saints si fréquemment invoqué dans l'histoire de l'humanité. Issu de la famille sacerdotale de Gemûl, le fondateur, dont on ignore le nom, est appelé « Maître de justice », « Messie de l'Esprit » ou le « Dernier Prêtre ». Jonathan, qui succède à son frère Judas Maccabée à la tête de la résistance juive contre les Séleucides (~ 161-~ 143), hostile aux sectaires de Qumrān, devient pour eux le « prêtre impie », tandis que l'expression « vases de violence » l'englobe avec son frère et successeur Simon, grand-prêtre et ethnarque des juifs (~ 143-~ 134), dans une commune réprobation. Le premier maître de justice meurt vers ~ 110. Les onze cents squelettes découverts dans le cimetière voisin permettent d'estimer l'importance de la secte, formée d'hommes exclusivement, tantôt groupés dans les bâtiments du Khirbet Qumrān, tantôt vivant en ermites dans les grottes des environs. Après la mort du maître, une partie des esséniens émigrent vers la région de Damas. Une règle particulière, composée pour les exilés volontaires,[...]
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Écrit par
- Raoul VANEIGEM : écrivain
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