DUFLO ESTHER (1972- )

Esther Duflo est une économiste franco-américaine, lauréate du prix Nobel d’économie en 2019, conjointement aux Américains Abhijit V. Banerjee et Michael R. Kremer. Elle est spécialiste des questions de développement et de pauvreté.

Professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston, où se trouve le siège du laboratoire dont elle est l'une des directrices, le Jameel Poverty Action Lab (J-PAL), elle a mis au point des méthodes d'évaluation aléatoire des programmes d'aide aux plus pauvres, méthodes dont les principes ont été empruntés aux sciences expérimentales. Les travaux d'Esther Duflo sont plébiscités par les nombreux organismes politiques et économiques qui la sollicitent : institutions internationales, gouvernements locaux, pays donateurs, ONG, grandes entreprises...

Repenser la pauvreté

Née le 25 octobre 1972 à Paris dans une famille protestante, Esther Duflo ressent très jeune la nécessité de lutter contre les injustices sociales. Après sa khâgne (lycée Henri-IV), au cours d'un séjour à Madagascar, elle confronte sa vision « assez misérabiliste de la pauvreté » à la réalité d'un pays pauvre. Constatant que l'on peut mourir de faim pour d'autres raisons que le manque de nourriture, convaincue que ce type de dysfonctionnement peut être résolu, elle s'engage sur le terrain dans des actions bénévoles, tout en poursuivant ses études à l'École normale supérieure. Titulaire en 1994 d'une maîtrise en histoire et en économie, elle s'oriente vers l'économie appliquée pour concilier son engagement personnel et sa carrière universitaire, et obtient son DEA en 1995. C'est aux États-Unis qu'elle prépare son doctorat, cherchant ainsi à s'émanciper des contraintes théoriques que la France lui semble imposer aux jeunes chercheurs. C'est au département d'économie du MIT qu'elle se familiarise avec les approches microéconomiques utilisées en économie du travail. Considérant que celles-ci offrent des outils plus pertinents que l'analyse macroéconomique de la croissance et du développement, elle s'intéresse alors aux processus de prise de décision des pauvres, en tant qu'agents économiques (individus, familles, villages). Ces thèmes président à la rédaction de sa thèse (ThreeEssays in EmpiricalDevelopmentEconomics), qu'elle soutient en 1999 sous la direction du professeur Abhijit Banerjee.

Désormais professeure assistante au MIT, Esther Duflo veut rompre avec les « idées paresseuses sur le développement » et s'attaque aux clichés sur la pauvreté. Pour elle, les milliards de dollars de l'aide alimentaire, s'ils sont adaptés aux situations de famine, ne peuvent éradiquer la pauvreté, dont les facteurs sont à la fois économiques, religieux, culturels, familiaux et informationnels. Elle veut « repenser la pauvreté », s'intéresser aux modes de vie des pauvres, pour leur donner la possibilité de participer à leur propre développement.

Esther Duflo dissèque les mécanismes de la pauvreté en termes simples. Faut-il ou non obliger les enfants à aller à l'école ? Qu'est-il utile de leur apprendre ? Pourquoi les pauvres ne font-ils pas vacciner leurs enfants ? Pourquoi, quand ils disposent d'un tout petit peu d'argent supplémentaire, préfèrent-ils se tourner vers des biens qu'ils n'avaient pas l'habitude de consommer, plutôt que de se fournir en calories supplémentaires ? Esther Duflo s'intéresse aussi à des problèmes qui dépassent la simple question de la pauvreté. Est-il plus efficace de distribuer ou de vendre préservatifs ou moustiquaires ? La politique des quotas en faveur des femmes modifie-t-elle les préjugés à leur égard ?, etc.