ESTHÉTIQUE, Georg Wilhelm Friedrich Hegel Fiche de lecture
De 1818 à 1830, d'abord sporadiquement, puis de façon plus continue à partir de 1827, G. W. F. Hegel (1770-1881) donne des cours d'esthétique à l'université de Berlin, où il a été appelé après la mort de Fichte. Si la notion d'esthétique figurait depuis 1750 dans le titre d'un célèbre ouvrage d'A. G. Baumgarten, aucune chaire d'esthétique n'existait lorsque Hegel entreprit de l'enseigner. Ces notes de cours fort développées ont été réunies par ses élèves : en 1835 paraît une première édition (suivie d'une deuxième édition en 1842) qui sera rapidement traduite en français par Bénard (en cinq volumes, 1840-1851) ; en 1945 S. Jankélévitch donnera une nouvelle traduction ; il faudra attendre 1995 pour qu'une autre traduction, cette fois à partir de l'édition de 1842, paraisse en français. Ces quelques repères montrent la popularité d'une œuvre qui a pu être considérée comme le monument le plus imposant de la philosophie de l'art.
Le « beau artistique »
Contrairement à Kant qui, avec la Critique de la faculté de juger, avait fondé philosophiquement l'esthétique, Hegel fait montre d'une grande culture artistique, même s'il témoigne de peu de goût pour les arts de son temps. Sa position est originale par rapport à la tradition : certes, il va traiter du beau, mais à cette réserve près qu'il sera question ici du « beau artistique ». L'esprit étant « supérieur à la nature » ses productions sont incomparables aux manifestations de celle-ci. Contrairement à une tradition issue d'Aristote et faisant de l'art l'imitation de la nature, Hegel y voit l'acte même de la liberté d'exprimer le beau. Pour lui, l'art a fondamentalement trait à la vie de l'esprit, il en est même une des figures essentielles, avec la religion et la philosophie. « Si l'on veut assigner à l'art un but final, ce ne peut être que celui de révéler la vérité, de représenter de façon concrète et figurée ce qui s'agite dans l'âme humaine. Ce but lui est commun avec l'histoire, la religion... » Si l'art participe de « l'esprit absolu », au-dessus de « l'esprit objectif » (constitué par le droit, la morale, la politique), il est néanmoins réduit à être dépassé, en tant que « manifestation sensible de l'idée », par la religion révélée et la philosophie qui, seule, incarnera l'absolu en et pour soi. D'où les célèbres déclarations, si souvent faussement interprétées, de la fin du premier chapitre : « L'art, ou du moins sa destination suprême, est pour nous quelque chose du passé. De ce fait il a perdu pour nous sa vérité et sa vie ; il est relégué dans la représentation, loin d'affirmer sa nécessité effective et de s'assurer une place de choix, comme il le faisait jadis. » L'art est mort. Il est toutefois nécessaire en tant qu'étape fondamentale de la vie de l'esprit s'incarnant au cours de l'histoire. Et il est nécessaire de reconnaître les différentes façons dont il a su historiquement incarner l'esprit, sous peine de manquer inexorablement sa vérité.
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Écrit par
- Francis WYBRANDS : professeur de philosophie
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Média
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