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ESTHÉTIQUE Histoire

Esthétiques du XIXe siècle

De Schelling à Hegel

La Critique du jugement ouvre l'époque moderne de l'esthétique. C'est d'abord à la faveur de ce qu'enseigne Kant que Goethe peut voir dans le Beau l'Urphänomenon (le phénomène premier) et que Schiller décèle en l'art une puissance infinie, susceptible d'embrasser, dans l'« illimité » du jeu, toutes les tentatives humaines – cela grâce à la limitation réciproque de l'instinct sensible et de l'instinct formel, de la vie et de la forme (Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme, 1795). De même, Schlegel considère l'ironie – affirmation d'une force capable de surmonter la distinction entre sérieux et non-sérieux, entre fini et infini, et de faire accéder à une « poésie transcendantale » – comme « l'impératif catégorique du génie ».

Mais, surtout, l'esthétique de Schelling (Système de l'idéalisme transcendantal, Bruno, Philosophie de l'art, Rapports entre les arts figuratifs et les arts de la nature, 1800-1807) libère tout ce que la Critique du jugement contenait de métaphysique implicite. Pour Schelling, l'art révèle l'Absolu : en lui se synthétisent et doivent se dépasser le théorique et le pratique, car il est l'activité suprême du moi, inconsciente comme la Nature et consciente comme l'Esprit. D'une part, donc, l'art nous ancre dans la Nature et réconcilie celle-ci avec l'Esprit ; d'autre part, l'art est supérieur à la philosophie, parce qu'il représente l'Absolu dans l'Idée, tandis que la philosophie ne l'offre que dans son reflet ; et, de même, le rapport de la science et du génie est accidentel, tandis que le rapport de l'art et du génie est constitutif et nécessaire. En réalité, « il n'y a qu'une seule œuvre d'art absolue qui peut exister en différents exemplaires, mais qui est unique, quand même elle ne devrait pas encore exister dans sa forme originale ». D'où l'idée d'un devenir de la philosophie : cette dernière s'est détachée de la poésie, mais elle est destinée à lui revenir un jour, sous la forme d'une nouvelle mythologie.

Hegel pense également qu'il existe un devenir, historique et logique à la fois, de l'Absolu ; mais l'art doit s'insérer dans ce devenir. Il faut donc qu'il émerge de la Nature, et qu'il représente, par rapport à celle-ci, quelque chose d'idéal : il est « révélation de l'Absolu sous sa forme intuitive, pure apparition » ; mais il est une forme moins élevée de l'Esprit, si on le compare à la religion et à la philosophie, car c'est seulement en celle-ci que l'Absolu retourne en lui-même. On voit comment l'idée d'un développement historique de l'art constitue un retournement de la position de Schelling : car Hegel doit nécessairement conclure à la mort de l'art, pour que la religion et la philosophie soient. C'est pourquoi « l'art, dans sa plus haute destination, est et reste pour nous un passé ». D'où l'affirmation que « seul un certain cercle et un certain degré de vérité est capable d'être exposé dans l'élément de l'œuvre d'art : c'est-à-dire une vérité qui puisse être transportée dans le sensible, et y apparaître adéquate, comme les dieux helléniques »... La beauté est donc l'apparition sensible de l'Idée : en tant que telle, elle requiert l'œuvre d'art – et Hegel rejette le Beau naturel.

Les deuxième et troisième parties de l'esthétique de Hegel seront consacrées à la division et au système des différents arts. Dans un premier moment, celui du symbolisme, de la mythologie, de l'art oriental – et, sur le plan de la classification systématique des arts, de l'architecture[...]

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Écrit par

  • : musicien, philosophe, fondateur du département de musique de l'université de Paris-VIII

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