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ESTHÉTIQUE Les catégories esthétiques

Les interrelations des catégories esthétiques

La possibilité d'inventer toujours de nouvelles catégories explique l'évolution du problème traditionnel de leur classification. Au xixe et au début du xxe siècle, on en a dressé des tableaux qui en limitaient et voulaient en arrêter définitivement le nombre ; les auteurs plus récents ont cherché des principes de classification plus souples et, surtout, qui permettent à leurs tableaux de s'élargir indéfiniment (ainsi est conçu, par exemple, le tableau en roue d'É. Souriau dans son article Art et vérité).

Le désir de classification répond à ce fait d'expérience que plusieurs catégories peuvent avoir un ou plusieurs points communs, ou s'opposer par rapport à un même caractère que l'une implique et l'autre exclut. Par sa grandeur, notée plus haut, l'épique rejoint le noble, le beau, le tragique, et s'oppose au joli et au mignon ; dynamique, l'épique rejoint le dramatique ou le mélodramatique, ou même la vis comica de drôleries tumultueuses, et répugne aux beautés calmes ; multiple et foisonnant, il refuse les dépouillements austères.

Certaines catégories apparaissent donc comme antithétiques, d'autres comme voisines ; certaines sont des espèces de genres plus vastes, quand elles se définissent par les mêmes caractères que les catégories genres auxquelles s'ajoutent de nouveaux traits. D'autres peuvent se combiner ; d'autres se recoupent.

Mais le nombre des points sur lesquels les catégories esthétiques peuvent se rejoindre ou se disjoindre est infini, et les catégories esthétiques ne se définissent pas toutes dans les mêmes zones de l'être. Grandeur et petitesse, par exemple, sont indifférentes au comique : il y a du comique fin, du comique gros et, même, du comique énorme. Deux catégories qui n'ont aucun point de définition commun peuvent exister séparément ou se cumuler : il existe ainsi du dramatique mystérieux, du dramatique non mystérieux, du mystérieux non dramatique (et, bien sûr, du ni-dramatique-ni-mystérieux). Le naïf et le tragique sont totalement indépendants l'un de l'autre ; n'est-ce point leur curieuse alliance qui donne sa valeur à ce petit chef-d'œuvre de Charles Nodier, Histoire du chien de Brisquet ?

Chaque catégorie se situe donc dans un réseau d'interrelations complexes et toujours extensibles, qui offre un champ d'action infini à l'invention de l'artiste et à la réflexion de l'esthéticien.

— Anne SOURIAU

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