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ESTUAIRES

Reliant à la mer rivières et fleuves, les estuaires représentent la forme la plus classique de transition entre le domaine continental et le domaine marin. L'origine latine de ce terme est très significative : aestus (la marée) est le substantif du verbe aesto (je bouillonne), ce qui suggère bien l'effet bouillonnant de la marée montante à l'embouchure du fleuve au moment du mélange des eaux. Les règlements maritimes sont restés conformes à cette étymologie : l'estuaire forme la partie océanique externe du système. La zone continentale située en amont étant appelée « rivière maritime ».

En géographie, on oppose classiquement la notion d'estuaire à celle de delta. En 1907, de Lapparent considère que seules les mers à marées possèdent un estuaire, alors que les deltas n'existent que dans les mers sans marées. De nombreux exemples contredisent cette affirmation.

En 1964, l'océanographe F. P. Shepard propose comme critère de reconnaissance la présence en zone deltaïque de fibres de bois et l'abondance d'huîtres en milieu estuarien. Mais ce critère est aussi peu efficace que ceux que l'on peut tirer des propriétés dynamiques ou de la morphologie de l'environnement pour faire une séparation tranchée entre estuaire et delta. La meilleure définition semblerait être celle de C. Francis Bœuf (1947), pour lequel l'estuaire correspond au cours inférieur du fleuve remonté sur une certaine distance par la marée.

Pour les géologues, le phénomène estuarien est particulier au Quaternaire. La transgression flandrienne, due à la fonte des glaciers, correspond à une remontée brutale du niveau de la mer dont l'équivalent n'a pas été reconnu au cours des temps géologiques, à tel point que l'on ne connaît pas de forme estuarienne fossile.

En hydrologie, l'estuaire correspond à une zone de mélange entre les eaux marines salées et les eaux douces fluviales. C'est ainsi que l'on définit dans ce milieu mixte une marée de salinité et une marée dynamique.

Fairbridge (1968), dans son Encyclopédie, propose d'opposer les estuaires en forme d'entonnoir aux estuaires « barrés ». Les premiers, entièrement ouverts à la mer, ressentent fortement les effets de la marée (hautes vagues, forte salinité et grandes profondeurs). C'est l'exemple de la baie de Fundy, de nombreux fjords et rias. Les autres, isolés de l'océan par un promontoire rocheux, par des bancs de sable ou par quelque barrière d'îles, ont une hydrologie beaucoup plus fluviatile : les effets de la marée sont réduits, l'action des vagues négligeable. L'obstacle peut même fermer temporairement l'estuaire et la stagnation s'installe avec production de H2S et formation de concrétions pyriteuses.

Dionne, en 1963, propose de subdiviser longitudinalement les estuaires sur la base des études de l'estuaire du Saint-Laurent (l'un des plus longs). On définirait ainsi un estuaire marin ou inférieur (salinité supérieure à 10 p. 100 et forte inversion de courant), un estuaire moyen (salinité de l'ordre de 2 à 5 p. 100 et inversion sensible des courants) et un estuaire fluviatile ou supérieur, zone à pulsation de niveau sans inversion de courant.

Les estuaires sont des zones d'accumulations sédimentaires privilégiées. L'origine des sédiments est souvent matière à controverse : chaque fleuve reste en fait un cas particulier. Graviers et sables n'occupent qu'une place réduite (dans les chenaux, sous forme de bancs, de flèches, de pouliers) et le sédiment essentiel est la vase (J. Bourcart et C. Francis Bœuf, 1942). En théorie, le dépôt de vase se fait quand la mer est étale.

La rencontre de la marée montante et de l'eau du fleuve conduit souvent à la formation d'un « bouchon vaseux », capable de se déplacer longitudinalement au rythme[...]

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