ÉTAT D'URGENCE
Institué, pour la France, par la loi du 3 avril 1955 et motivé alors par la situation en Algérie, l'état d'urgence est un régime exceptionnel qui, certains troubles intervenant, renforce les pouvoirs de l'autorité administrative. C'est un régime intermédiaire entre l'état de siège et la situation normale.
L'état d'urgence peut être déclaré sur la totalité ou sur une partie du territoire métropolitain ou des départements d'outre-mer soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et par leur gravité, le caractère de calamité publique. Déclaré, ainsi que l'indique la loi de 1955, par le seul législateur — mais une ordonnance d'avril 1960 étend ce pouvoir déclaratif et habilite le gouvernement à le prononcer par décret en Conseil des ministres —, il ne peut être prorogé au-delà d'une durée de douze jours que par une loi qui fixe sa durée définitive.
L'état d'urgence accorde des pouvoirs particuliers aux préfets dont le département est couvert par la déclaration d'urgence : interdiction de circulation des personnes et des véhicules ; institution de zones de sécurité à l'intérieur desquelles le séjour de certaines personnes peut être réglementé ; interdiction de séjour. Aussi de nouveaux pouvoirs sont-ils donnés au ministre de l'Intérieur : assignation à résidence de toute personne dont l'activité se révèle dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics des circonscriptions territoriales où s'applique l'état d'urgence ; fermeture de salles de spectacle et de tous les lieux de réunion ; éventuellement interdiction de toute réunion de nature à provoquer le désordre ; remise des armes de guerre, de défense (revolvers, pistolets), de chasse. Des dispositions expresses du décret déclarant ou de la loi prorogeant l'état d'urgence peuvent de plus conférer au ministre de l'Intérieur ou aux préfets le pouvoir d'ordonner des perquisitions de jour et de nuit et les habiliter à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse, de toutes publications et des émissions radiophoniques. Elles permettent aussi au gouvernement d'user du droit de réquisition que prévoit la loi de 1938 touchant l'organisation de la nation en temps de guerre. Un décret peut également autoriser la juridiction militaire à se saisir des crimes ainsi que des délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d'assises. Toutes ces mesures cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence.
Régime destiné à donner à un gouvernement, lors d'une crise intérieure grave ou d'une tension extérieure jugée sérieuse, tous les moyens nécessaires au maintien de l'ordre, l'état d'urgence est une mesure destinée à affronter une situation exceptionnelle. Décrété le plus souvent pour faire face à des dangers intérieurs ou extérieurs précis, il a été appliqué en Algérie de 1955 à 1956, une première fois en 1958 à l'ensemble du territoire métropolitain français, puis à nouveau d'avril 1961 à l'été 1963, et en Nouvelle-Calédonie en 1984. Sa réutilisation par le gouvernement en novembre 2005 pour répondre aux émeutes dans les banlieues, quoique limitée dans ses effets, a été extrêmement critiquée sur les plans politiques et juridiques.
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Écrit par
- Jean DELMAS : docteur habilité à la recherche, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, ancien chef du service historique de l'Armée de terre
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