MÉSOMORPHE ÉTAT
Cristaux liquides thermotropes
En 1888, un botaniste, F. Reinitzer, remarqua que la fusion d'un sel de cholestérol (le benzoate de cholestéryle) donnait lieu à l'apparition d'une substance liquide trouble qui ne se clarifiait qu'à quelque 30 0C au-dessus du point de fusion. Le physicien O. Lehmann remarqua que ce liquide trouble présentait quelques-unes des propriétés généralement associées aux cristaux ; en particulier, il était optiquement anisotrope. Il fut donc proposé de nommer cristaux liquides ces états de la matière intermédiaires entre les états cristallins solides et les liquides isotropes. Le fait que l'apparition de ces états mésomorphes se fasse par simple élévation de température a conduit à leur ajouter le qualificatif de thermotropes.
M. G. Friedel a proposé de classer les cristaux liquides en deux grandes catégories : les phases nématiques et les phases smectiques. Les molécules se prêtant à l'apparition de tels états mésomorphes sont généralement oblongues, mais il arrive que des molécules discotiques soient à l'origine de ces états (cf. infra).
Les phases smectiques présentent des plans périodiquement empilés les uns sur les autres. Il n'existe pas de corrélation stricte entre les positions des molécules appartenant à des plans différents. Seule la distance interplanaire est constante et périodique. À l'intérieur de chaque plan, les molécules peuvent être organisées selon une périodicité bidimensionnelle ; il est donc possible, théoriquement, d'obtenir 17 états mésomorphes différents de type smectique. Dans les smectiques A et C – qualifiés ainsi selon l'ordre de leur découverte –, les molécules tournent librement autour de leur grand axe, les positions des centres de gravité ne présentent aucune périodicité. Ces deux phases ne diffèrent que par l'angle que fait le grand axe de la molécule avec la normale au plan. Des phases smectiques dites ordonnées ont été mises en évidence dans lesquelles un arrangement périodique des molécules au sein des plans a été décelé par diffraction des rayons X. La présence de réseaux bidimensionnels hexagonaux (smectiques B et H) et orthorhombiques (smectiques E et G) a pu ainsi être démontrée. L'utilisation de composés optiquement actifs permet d'augmenter encore le nombre d'états mésomorphes possibles. Dans le cas des smectiques C, dits chiraux, il existe une corrélation interplanaire entre les axes directeurs des molécules : les plans s'empilent selon une structure hélicoïdale.
Dans la phase nématique, les axes des molécules sont parallèles les uns aux autres tandis que les centres de gravité sont répartis sans aucune périodicité. L'utilisation de dérivés optiquement actifs peut conduire là encore à des structures spiralées, appelées phases cholestériques.
Contrairement aux phases smectiques, la viscosité des phases nématiques est faible, de l'ordre de quelques centipoises ; leur aspect est donc très proche de celui des liquides ordinaires. Les chaleurs latentes de changement de phase cristal liquide (nématique ou smectique) → liquide isotrope sont peu élevées en comparaison avec les transitions solide → cristal liquide. Les réarrangements structuraux les plus importants s'opèrent donc dans ce dernier cas. Les cristaux liquides – du moins ceux qui sont classifiés comme désordonnés – présentent un agencement moléculaire plus proche de celui des liquides que de celui des solides monocristallins. Les changements de phase peuvent être observés au microscope en lumière polarisée. Dans le cas des phases nématiques, apparaissent des filaments sombres et mobiles ; ce phénomène a conduit au qualificatif utilisé pour cette phase (de nêmatos : fil).
En 1965, la formation d'états mésomorphes à partir de composés discoïdes a été décrite, mais ce[...]
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Écrit par
- Jacques SIMON : professeur à l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (E.S.P.C.I.); directeur du laboratoire de chimie et électrochimie des matériaux moléculaires, E.S.P.C.I.
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