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ÉTAT

Théorie de l'État

L'État apparaît non seulement comme un pouvoir souverain et institutionnalisé, mais aussi comme une organisation qui permet aux individus de vivre ensemble, qui les soude dans une collectivité politique. C'est ce triptyque qu'il convient maintenant de décrire.

Un pouvoir souverain

Si l'on peut définir l'État comme un « mode particulier d'organisation politique », c'est par sa souveraineté, qui lui confère, en même temps que son critère, son principe d'unité d'action. La souveraineté exprime l'idée d'un pouvoir de commander que détient un État et qu'il détient seul. En tant que pouvoir spécifique, elle évoque la qualité d'un pouvoir suprême à l'intérieur de son ressort (souveraineté interne) et ne connaissant que des égaux hors de son ressort (souveraineté internationale). Inventée par Jean Bodin dans ses Six Livres de la République, elle constitue une théorie juridique du pouvoir. Ce pouvoir souverain se distingue des autres pouvoirs – publics ou privés – par le fait que la souveraineté est définie juridiquement comme le pouvoir de «  donner et casser la loy », c'est-à-dire de créer et recréer un droit écrit désormais contrôlé par le souverain et imputé à cet être abstrait qu'on appelle l'État. Il en résulte que le pouvoir politique peut réagir aux circonstances ou anticiper l'avenir grâce à la technique de la loi qui ordonne, interdit ou permet, et qui par là même guide le comportement des acteurs. À l'origine, la souveraineté législative des Temps modernes repose sur l'idée que l'État va pouvoir imposer sa volonté à la « société civile » qu'il contribue à faire naître. Du point de vue de la technique institutionnelle, le grand apport de la souveraineté consiste à penser l'indivisibilité du pouvoir. Imputé d'abord à une seule autorité – le Prince (ou ses subordonnés) – le pouvoir devient un faisceau indivisible de compétences ou encore un ensemble indivis des droits de puissance publique. La souveraineté devient synonyme de puissance publique. Bien qu'il semble diviser la souveraineté en énumérant dix « marques de souveraineté », Bodin a réussi à unifier les compétences étatiques en les subsumant sous la catégorie de la puissance de donner la loi. Au moyen d'un acte juridique – la loi entendue au sens large chez Bodin –, l'État peut décider de la guerre ou de la paix, de lever et requérir des impôts, etc. Progressivement, ce pouvoir suprême de décision ne sera plus imputé à une ou des personnes physiques, monarque ou conseil souverain, mais à une personne abstraite, l'État, dont le souverain n'est que le représentant.

Telle est la face dite « interne » de la souveraineté. Mais l'État est aussi tourné vers l'extérieur : il est considéré comme une puissance indépendante des autres États parce qu'il est souverain. Selon cette logique de la souveraineté « externe », il obéit non plus à un principe de commandement, mais au principe de consentement ou de coopération. Les relations entre les États ne relèvent pas d'une logique relevant du rapport commandement-obéissance, mais d'une logique d'égalité. L'antique ius gentium des Romains (droit applicable aux étrangers dans l'Empire) s'est ainsi transformé en droit international public, dominé par les deux catégories du traité ou de la coutume. Ce bref aperçu indique la profonde différence séparant la souveraineté interne et la souveraineté externe. Alors que la première se manifeste par des actes unilatéraux traduisant un rapport de subordination entre le souverain et les sujets, la seconde consiste positivement en actes juridiques bilatéraux ou plurilatéraux (traités, coutumes) requérant le consentement des puissances souveraines[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit public à l'université de Panthéon-Assas (Paris-II)

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