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ÉTATS GÉNÉRAUX, France

1789

Les transformations

Les échecs de Calonne, de Loménie de Brienne et de l'assemblée des notables pour résoudre la crise financière sont à l'origine de la convocation des états en 1789, mais les conditions politiques et sociales avaient considérablement changé depuis deux siècles. Si les parlements et les cours souveraines exigeaient les états généraux, c'était dans un esprit de conservatisme, afin d'empêcher la levée de nouveaux impôts plus équitablement répartis. Ceux qu'on appelait les « patriotes » avaient d'autres idées en tête. Admirateurs des régimes anglais ou américain, ils envisageaient de créer une monarchie limitée, constitutionnelle et représentative. Brienne fixa la réunion des états au 1er mai 1789, mais déjà des divisions capitales surgissaient parmi ceux qui avaient demandé la convocation. Les parlementaires et la plupart des nobles s'élevaient contre le doublement du tiers état, auquel le gouvernement avait consenti. Il y eut finalement 661 députés du tiers état, 326 du clergé, 330 de la noblesse. C'était reconnaître la fin de la société d'ordres. Puisque les trois ordres n'étaient plus égaux dans leur représentation, les critères sociaux avaient changé. Les hommes ne se classaient plus suivant la dignité, mais d'après les talents, les richesses ou la participation à la production des biens matériels. À l'inverse de 1614, les dispositions électorales ne permettaient plus la mainmise absolue des gens de justice sur les représentants du tiers état.

Malgré des élections à trois ou quatre degrés, les gens de métier et les paysans purent se faire entendre. Dans les rangs du clergé, les curés l'emportèrent de loin sur les chanoines et les prélats (220 sur 326). Au contraire de 1614, parmi les députés du tiers état, les hommes de loi, officiers de justice ou de finance constituent à peine le tiers des membres de l'ordre (207). Les professions libérales ont 214 représentants, dont 180 avocats ; les commerçants, agriculteurs et industriels 115 députés. En deux siècles, les « talents » ont supplanté les officiers.

L'analyse des cahiers de doléances montre un changement évident des valeurs sociales et politiques.

On demande, en 1789, dans les cahiers de paroisse, le consentement des états aux levées d'impôts, la suppression des distinctions de costume entre les députés des trois ordres, la délibération en commun avec le clergé et la noblesse, le vote par tête, le retour périodique et la convocation automatique des sessions, la suppression des privilèges fiscaux, l'admission des citoyens du tiers état à toutes les fonctions, le rachat des droits seigneuriaux en vue de leur extinction.

Tout cela est radicalement différent des positions de 1614. Autre nouveauté, les cahiers de 1789 expriment peu de besoins religieux. On ne se soucie plus de faciliter l'accès de tous aux sacrements, ni de multiplier les pasteurs ou de les obliger à plus de sainteté : on s'intéresse seulement aux dîmes – pour les critiquer – ou aux biens du clergé, parfois pour demander leur sécularisation. Il y a, par rapport à 1614, un grand courant de laïcisation. On ne condamne plus le péché qui offense l'« honneur de Dieu », mais les fautes contre les « bonnes mœurs ». Alors que la société, selon les cahiers de 1614, est fondée sur le principe de la hiérarchie, d'une inégalité voulue par Dieu et inscrite dans la nature tout entière, en 1789 on proclame partout que les hommes ont en naissant un droit égal au bonheur et à la liberté, une origine commune. Les cahiers de 1614 étaient tournés vers un âge d'or à restaurer, ceux de 1789 vers un futur qui ne peut être que meilleur, un monde que tous doivent construire.

La fin de la société d'ordres

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Écrit par

  • : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines de Nantes

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