ÉTATS LIMITES ou BORDERLINE
La notion que recouvre l'expression « états limites » traduit l'anglais borderline, locution introduite outre-Atlantique dans le champ de la psychanalyse, puis exportée dans la nosologie psychiatrique, où elle désigne actuellement une pathologie grave de la personnalité, dont la prévalence paraît en constante augmentation dans la civilisation contemporaine.
Émergence d'un repérage des états limites
La notion d'états limites est née aux États-Unis au milieu du xxe siècle lorsque des psychanalystes tentèrent de réunir sous une même catégorie des patients apparemment névrosés, mais dont les modes de fonctionnement psychique constatés lors des cures psychanalytiques s'avéraient proches de ceux rencontrés ordinairement en cas de psychose, malgré la préservation d'une bonne appréhension de la réalité.
L'expression borderline apparaît chez Wilhelm Reich en 1925 (Der triebhafte Charakter : eine psychoanalytische Studie zur Pathologie des Ich) à propos du caractère impulsif, mais elle est surtout reprise dans son sens actuel par Adolph Stern en 1938 qui isole un groupe borderline des névroses (« Investigations psychanalytiques et abord thérapeutique dans un groupe borderline des névroses », in Psychoanalysis). La notion est amplement développée à partir des années 1950 au sein de la psychanalyse nord-américaine par les tenants du courant de la psychologie de l'ego, lié notamment à Heinz Hartmann. La promotion du concept d'états limites doit alors beaucoup à Robert Knight qui, en 1953, en fait une atteinte du moi et propose d'adapter la procédure psychothérapique classique aux particularités transférentielles des patients en question (borderline states).
Mais les positions subjectives borderline semblant se situer à la limite entre névrose et psychose, la question se posait de savoir si elles n'étaient que des états particuliers de l'une ou de l'autre catégorie, susceptibles de varier, par exemple dans le cadre du transfert, ou bien si elles étaient le reflet d'une prédisposition constitutionnelle propre, une authentique personnalité avec ses caractères de permanence et de stabilité. C'est Otto Kernberg qui en fait, en 1967, une structure psychopathologique à part entière avec la création du concept d'organisation borderline de la personnalité (« Borderline personality organization », in Journal of American Psychoanalysis Association). Il recense sous ce chef un certain nombre de troubles de la personnalité qui auraient en commun une défaillance spécifique de la maturation du moi, et dresse l'inventaire des mécanismes psychopathologiques de défense du moi susceptibles d'en rendre compte (le clivage, le déni, l'idéalisation primitive, l'identification projective, l'omnipotence, la dévalorisation des objets externes, l'agressivité prégénitale, l'avidité orale, la tendance au passage à l'acte).
La plupart des classifications psychiatriques reprendront la notion d'organisation borderline de la personnalité en la caractérisant par des traits manifestes plus ou moins spécifiques, qui sont des traits affectifs, comportementaux, relationnels dont les principales modalités sont l'instabilité et l'impulsivité. Surgissant sur un fond de sentiments de vide et d'ennui, l'instabilité est d'abord affective, au travers d'une réactivité de l'humeur, faite de crises émotionnelles, de colères inappropriées, voire d'épisodes dépressifs. Parfois consécutifs à une séparation, ces sentiments sont alors caractérisés par l'expression d'une rage vaine et impuissante, sans authentique sentiment de deuil, de culpabilité ou de remords vis-à-vis de l'objet perdu. Les sujets souffrent aussi d'une instabilité et d'une inconsistance marquée de leur image, responsables d'une faillite narcissique[...]
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Écrit par
- Rémi TEVISSEN : psychiatre, psychanalyste
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