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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) La littérature

Du puritanisme au transcendantalisme : une tradition spirituelle et intellectuelle

Le puritanisme américain a souvent mauvaise presse. Compromis naguère par les défenses maladroites de patriciens bostoniens acharnés à réhabiliter leur histoire et parfois leurs ancêtres, soucieux de prouver la supériorité intrinsèque des institutions américaines et du génie germanique dont elles procéderaient, il est toujours en butte aux attaques des libéraux, qui entendent n'y voir que théocratie, élitisme et répression. « Le puritanisme, écrivait Mencken, c'est la hantise que quelqu'un, quelque part, soit heureux » ; il faut donc lui attribuer, outre les bûchers de Salem, les outrances du fondamentalisme, la prohibition, la censure insidieuse de la production artistique, et ces « lois bleues » qui, dans les États, prétendent encore régler sexualité conjugale, occupations du sabbat et exercice de la religion au sein des écoles...

Le langage commun commet un contresens permanent : le puritanisme américain ne saurait se réduire au moralisme bourgeois, et moins encore à la moralité victorienne. Espèce historique originale, il trouve dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre (principalement, mais non exclusivement) une incarnation socio-historique spécifique, et en fonde la culture et le système politique ; enfin, il subit et induit une évolution spirituelle majeure, qui, par une lente transformation du néo-calvinisme initial (approximativement 1620-1730), mènera aux jacqueries spirituelles du Grand Réveil (1730-1745), puis au développement d'un rationalisme unitarien qui, par réaction, donnera naissance au mouvement transcendantaliste (à partir de 1830), héritier rebelle d'une tradition indigène. Comme l'écrit Emerson, descendant d'une lignée ininterrompue de pasteurs, « chaque homme est une citation de ses ancêtres » ; ainsi le même esprit suscite-t-il au xixe siècle, « en ces temps unitariens et commerciaux », l'idéalisme transcendantal, qui avait inspiré le puritanisme à l'époque des persécutions anglicanes.

L'analyse qui suit néglige arbitrairement les composantes économiques, politiques et ecclésiologiques du puritanisme au profit de sa problématique spirituelle. Le lecteur gardera cependant en mémoire que le puritanisme est aussi une idéologie, qu'il répond donc aux besoins de ses tenants en un lieu et en un temps donnés, que le langage théologique qu'il emploie code la réalité historique autant qu'il l'exprime.

Le puritanisme colonial

L'intelligentsia puritaine

La société de la Nouvelle-Angleterre, sans pour autant se réduire à une théocratie, est dominée par ses ministres : les Cottons, les Mathers, les Hookers, les Williams sont ses maîtres à penser, les Moïses de l'exode atlantique, les inspirateurs de son système institutionnel ; les grands « laïques » eux-mêmes (Bradford, Winthrop) ont recours à la forme fixe du sermon pour faire passer un message politique. Refuge religieux, la Nouvelle-Angleterre est aussi, pour reprendre la formule d'Hofstadter, « la meilleure approximation qu'eut jadis l'Amérique d'un gouvernement d'intellectuels, ou plus exactement d'une classe d'intellectuels intimement associés au pouvoir » ; l'exode des cerveaux persécutés pour non-conformisme a regroupé, en 1640, cent treize diplômés d'Oxford ou Cambridge dans les colonies du Nord, cent trente en 1646 pour une population de 25 000 habitants : un pour quarante familles, proportion inconnue en Europe. Ennemis de tout clerus minor, puisque « toute grâce pénètre dans l'âme par l'entendement » (Cotton Mather), les colons inventent le principe de l'obligation scolaire (lois de 1642, 1647, 1648, 1650) pour frustrer les desseins de « ce vieux fourbe, Satan », et créent, dès 1636, l'université Harvard,[...]

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