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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) La littérature

Naissance de l'historiographie américaine

Le mémorial de la plantation dans le désert : 1620-1702

Les magistrats et les pasteurs des « plantations » calvinistes en Nouvelle-Angleterre ne sont pas les premiers à relater le début des colonies anglaises dans le Nouveau Monde. Ce privilège revient au capitaine John Smith (1579-1631), l'aventurier élisabéthain dont le récit de la première expédition en Virginie et de la fondation de Jamestown, A True Relation of... Virginia, publié en 1608 avant d'être repris dans sa General History of Virginia, New England and the Summer Isles (1624), est sans doute la première chronique anglaise écrite sur le sol américain. Mais il s'agit encore d'annales et de descriptions des lieux. La conscience historique s'implante vraiment lorsque, dans les communautés puritaines du Massachusetts, les « ministres de l'évangile » considèrent de leur fonction sacerdotale d'être les « mémorialistes et les chroniqueurs du Seigneur » et, afin de déchiffrer la signification de l'entreprise qui les a conduits à « sortir » de la vieille Angleterre pour s'établir dans les terres sauvages du « désert » américain, l'inscrivent dans le fil de l'histoire ecclésiale et sacrée telle qu'elle se déroule depuis la création du monde. Cette historiographie, qui est tout à la fois chronique de la fondation des colonies et herméneutique des saintes Écritures, a produit au moins deux grands monuments : Of Plymouth Plantation du gouverneur William Bradford et, à la fin du siècle, alors que se clôt la préhistoire puritaine de l'Amérique, la somme que constituent les Magnalia Christi Americana du révérend Cotton Mather (1702).

Cette historiographie se fonde dans ses grandes lignes sur une herméneutique typologique des Écritures. À travers l'histoire humaine se déploie la révélation progressive du grand plan de Dieu. De même que l'Ancien Testament n'est que l'esquisse du Nouveau et le Nouveau un degré de plus dans la révélation de l'Ancien, l'aventure américaine est inscrite et prescrite par les Écritures qui en recèlent l'ombre et le type. En « sortant » de la Babylone qu'est une Angleterre sombrant dans l'idolâtrie papiste et la tyrannie épiscopale, une poignée de rescapés va dans « le désert » établir une Église fidèle aux temps primitifs et, dans cet exode, elle récapitule et reprend les figures de la « sortie » que sont l'exode hors d'Égypte, la sortie hors de Babylone pour reconstruire Jérusalem ou la prédication de Jean-Baptiste frayant dans le désert, hors des murs de la ville, les voies du Seigneur. L'histoire est le « complot de Dieu » et sa geste, et la grande migration des années 1620-1640 s'inscrit dans le schème de l'histoire universelle : pour que la Réforme n'avorte pas, le Seigneur a découvert à point nommé cette quatrième partie du monde, l'Amérique, qu'il avait jusqu'alors tenue cachée et, dans ces terres sauvages, comme la femme habillée de soleil de l'Apocalypse, les puritains se sont enfuis afin de maintenir aux yeux du monde l'exemple de ce que pourrait être une Église réformée.

Fils d'un fermier du Yorkshire, William Bradford (1590-1657) avait lu, dès ses douze ans, la Bible de Genève et fit rapidement partie du groupe de puritains séparatistes qui se rencontraient furtivement dans la maison de William Brewster à Scrooby dans le Nottinghamshire. En 1609, ce groupe de fidèles s'exile aux Pays-Bas, à Amsterdam puis à Leyden, où Bradford exerce le métier de tisserand. Il est à bord de la Mayflower quand, à l'automne 1620, elle lève l'ancre pour l'Amérique. En 1621, William Bradford devient gouverneur de la colonie de Plymouth et, vers 1630 sans doute, il commence à écrire son histoire qui ne sera publiée qu'en[...]

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