- 1. Le problème des origines
- 2. Les thèmes spécifiquement américains
- 3. Du puritanisme au transcendantalisme : une tradition spirituelle et intellectuelle
- 4. Naissance de l'historiographie américaine
- 5. La poésie au XXe siècle
- 6. Le Sud
- 7. La littérature afro-américaine
- 8. Les littératures latinas des États-Unis
- 9. Littératures des minorités
- 10. Bibliographie
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) La littérature
La poésie au XXe siècle
Le renouveau de la poésie américaine
Selon Pound, s'agissant de poésie, les États-Unis sont encore une « colonie de Londres » en 1912. Le moment « crépusculaire » dont l'anthologiste E. C. Stedman parle en 1900 n'est en effet plus guère éclairé, éteints les grands phares (Whitman, Poe) et décédés les « brahmines » (Whittier, Lowell, Holmes, Longfellow), que par des talents dispersés (E. A. Robinson, G. Santayana), des poètes réputés particularistes (E. Markham, J. W. Riley, J. Miller), l'éclair de notoriété d'Emily Dickinson (publiée en 1890) et quelques transfuges du roman florissant (Stephen Crane) ou du théâtre (W. V. Moody). La faible lueur entretenue par les anthologies et les magazines utilisant des vers comme bouche-trous typographiques va pourtant, passée la première décennie du siècle, se raviver au souffle puissant d'innovateurs et engendrer l'un des plus spectaculaires embrasements poétiques que l'Amérique du Nord ait connus. Les poètes nés lors du dernier quart du xixe siècle vont, dans une diversité étonnante, rompre à partir de 1908 les liens de dépendance attachant encore la poésie américaine à l'Angleterre et au xixe siècle, et, dans le même mouvement, permettre à la poésie de retrouver ses audaces perdues. Venue la Seconde Guerre mondiale, nulle lectrice ne pourra plus écrire à une revue célèbre : « Messieurs, mon mari a derrière lui une très belle carrière de forgeron. Mais il est aujourd'hui vieux et, son esprit s'affaiblissant peu à peu, il s'est mis à écrire des poèmes, dont je me permets de vous soumettre un choix. »
En 1912 vient au jour une révolution poétique. « Seule, a dit Ezra Pound, la médiocrité d'une époque donnée peut mener les hommes intelligents de ce temps à rompre avec la tradition. »
Frost et Robinson
Certes, on distingue déjà chez un Trumbull Stickney, chez Louise Imogen Guiney, R. W. Gilder ou Madison Cawein une volonté de se déprendre de la tradition victorienne et georgienne qui domine alors l'Angleterre, et l'on ne peut minorer l'importance d'isolés comme Frost ou Robinson : sans provoquer de bouleversement formel, ils annoncent un réenracinement national de la poésie qui sera l'un des aspects dominants de la période. L'ironie sombre d'Edwin Arlington Robinson se nourrit de Hardy et des légendes médiévales là où les poèmes-synecdoques de Robert Frost, qui pense « Nouvelle - Angleterrement », comme E. Dickinson, sont à l'origine d'un sourire plus tempéré et plus indulgent. C'est par son exploration du versant décadent d'une tradition que Robinson annonce un passage, alors que, pour Frost, qui comme lui a fréquemment recours au monologue dramatique, héritage et environnement demeurent à même de fournir au poète, au travers des hommes et des femmes de son pays, la matière paradoxale d'interrogations morales sur son temps qui dépassent infiniment l'apparente simplicité rustique de son art.
L'imagisme
Curieusement, c'est à Londres d'abord et par le truchement d'expatriés que la poésie américaine commence de s'affranchir. L'immense énergie d'Ezra Pound propage en effet parmi ses correspondants demeurés au pays la fièvre « imagiste ». Même si la théorie originelle de T. E. Hulme et de son « école des images » subit des altérations lorsque Amy Lowell reprend aux États-Unis le flambeau de l'« imagisme », il n'est pas excessif d'affirmer que le mouvement, pour éphémère et relativement mineur qu'il ait été dans sa version doctrinaire, informera par la suite une proportion considérable de la production poétique américaine. Le désengagement rhétorique, l'abandon des conventions, la quête de la netteté et de l'économie, d'une poéticité du langage même, la place faite au rythme naturel et à l'évocation précise,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc CHÉNETIER : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de littérature américaine à l'université d'Orléans
- Rachel ERTEL : professeur des Universités
- Yves-Charles GRANDJEAT : professeur des Universités à l'université Bordeaux-Montaigne
- Jean-Pierre MARTIN : professeur d'histoire et civilisation des États-Unis à l'université de Provence
- Pierre-Yves PÉTILLON : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure
- Bernard POLI : auteur
- Claudine RAYNAUD : professeure des Universités
- Jacques ROUBAUD : écrivain
Classification
Médias