- 1. Le problème des origines
- 2. Les thèmes spécifiquement américains
- 3. Du puritanisme au transcendantalisme : une tradition spirituelle et intellectuelle
- 4. Naissance de l'historiographie américaine
- 5. La poésie au XXe siècle
- 6. Le Sud
- 7. La littérature afro-américaine
- 8. Les littératures latinas des États-Unis
- 9. Littératures des minorités
- 10. Bibliographie
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) La littérature
Les littératures latinas des États-Unis
L’ essor des littératures latinas aux États-Unis, notable depuis une cinquantaine d’années, s’inscrit dans le cadre du vaste mouvement de recomposition culturelle et sociale impulsé par le mouvement de lutte pour les droits civiques conduit par les Noirs américains. En effet, en même temps qu’ils exigeaient l’égalité civique, politique et économique, les militants noirs, en proclamant Black is Beautiful, enclenchaient un processus de reconstruction identitaire qui, pendant les années 1960, se propagea rapidement à d’autres minorités ethno-raciales – notamment les Amérindiens et les Hispaniques, ou Latinos des États-Unis. De tels phénomènes de « renaissance » culturelle redessinèrent radicalement les contours de l’identité nationale américaine. Les étudiants issus de ces minorités exigèrent que les livres d’histoire et de littérature reflètent leur version de l’expérience américaine, bien différente du récit officiel en vigueur jusque-là. Ce contexte donna un véritable coup de fouet aux littératures dites minoritaires. Les maisons d’édition, sensibles à l’argument du politically correct, ne tardèrent pas à se disputer les auteurs de cette nouvelle Amérique multiculturelle.
La recherche d’une identité
Les auteurs noirs et amérindiens, issus des deux populations les plus cruellement marquées par la colonisation européenne de l’Amérique, bénéficiaient alors d’une visibilité plus grande que leurs homologues latinos. Moins organisés politiquement, moins riches en termes de tradition littéraire, les Latinos constituaient une nébuleuse dont on découvrait seulement l’existence. Métisses issues de la rencontre des conquistadors, des peuples indigènes d’Amérique centrale et des Caraïbes, et des esclaves arrachés à l’Afrique, les diverses populations rassemblées sous l’étiquette « Latinos » étaient par ailleurs nées d’histoires et de cultures très différentes : l’Indien maya venu du Yucatán n’avait pas grand-chose en commun avec le descendant des esclaves de Saint-Domingue, pas plus qu’avec celui d’un hidalgo de Santa-Barbara. Certes, les Latinos pouvaient revendiquer, de la Floride à la Californie, une antériorité historique sur les « Pères pèlerins » venus d’Angleterre. De Los Angeles à El Paso, les territoires du sud-ouest des États-Unis, conquis sur le Mexique en 1848, portaient la trace de la colonisation espagnole, puis d’une histoire de dépossession et de discrimination dont les héritiers pouvaient vouloir inverser le cours. De fait, les militants chicanos – ces Mexicains-Américains revendiquant haut et fort leur filiation mexicaine –, ne tardèrent pas, dans les années 1960, à s’organiser en movimiento politique et culturel, cherchant, à travers la littérature et les arts, à se façonner une nouvelle identité. En même temps, une immigration continue et une natalité élevée les propulsèrent du statut de minorité marginale – environ 2 p. 100 de la population américaine en 1960 – au statut de première minorité nationale – environ 15 p. 100 de la population américaine en 2010 – avec des pourcentages dépassant 50 p. 100 dans certaines mégalopoles comme Los Angeles (environ 40 p. 100 à New York) et des projections statistiques officielles les situant à plus de 30 p. 100 de la population nationale en 2050. Ce phénomène spectaculaire, décrit par les journalistes comme The Browning of America, a pu, au cours des deux dernières décennies, apparaître comme le trait le plus marquant d’une évolution démographique modifiant radicalement, sur le plan tant politique que social et surtout culturel, le visage des États-Unis.
La grande hétérogénéité géographique et culturelle de cette population, identifiée par le bureau du recensement américain comme « d’origine hispanique », invite à distinguer, sur un axe synchronique,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc CHÉNETIER : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de littérature américaine à l'université d'Orléans
- Rachel ERTEL : professeur des Universités
- Yves-Charles GRANDJEAT : professeur des Universités à l'université Bordeaux-Montaigne
- Jean-Pierre MARTIN : professeur d'histoire et civilisation des États-Unis à l'université de Provence
- Pierre-Yves PÉTILLON : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure
- Bernard POLI : auteur
- Claudine RAYNAUD : professeure des Universités
- Jacques ROUBAUD : écrivain
Classification
Médias