ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) La musique
En quelques décennies, le panorama de l'Amérique musicale s'est peu à peu modifié du fait de l'exploration passionnée de nouvelles voies sonores que l'on qualifiait encore d'expérimentales à la mort d'Edgar Varèse, en 1965. Le début des années 1960 avait été marqué par le regroupement de toutes les audaces, et les « expérimentalistes », qui manifestaient alors une créativité intense, avaient vu s'ouvrir les perspectives les plus séduisantes. À la même époque, l'avant-garde issue de l'immédiat après-guerre accusait les premiers signes d'essoufflement, et la jeune génération de compositeurs adopta une approche de la musique qu'on peut considérer comme postmoderniste parce qu'elle affirme, à travers une nouvelle inspiration rythmique, une évolution de l'atonal vers le tonal et du système sériel vers une autre conception de la modernité.
Toutefois, les jeunes compositeurs américains restent encore sensibles aux influences qui ont marqué leurs aînés : celle du jazz, notamment, qu'Aaron Copland (1900-1990) et Leonard Bernstein (1918-1990) ont sollicitée, et celle du folklore américain et des musiques orientales. Un auditoire beaucoup plus attentif à l'expression de son temps que celui de la vieille Europe a encouragé ces appropriations, les considérant comme autant d'avancées dans la recherche d'un accent original. Et le pouvoir émotionnel que la jeune génération a préféré aux principes rigoureux du sérialisme constitue un atout majeur dans la réconciliation entre la musique contemporaine et son public, un public, a déploré Elliott Carter, qui est cependant redevenu conservateur.
Par ailleurs, critiques, écrivains, philosophes et sociologues, attachés à une vision d'ensemble, se montrent moins agressifs et moins sectaires que leurs homologues parisiens ou viennois. Et la liberté laissée au créateur de s'exprimer comme il l'entend n'entraîne pas aux États-Unis les polémiques et les excommunications qu'on pourrait redouter.
L'abondance des nouveautés et le nombre considérable de compositeurs de tous âges et de toutes tendances rendent difficile une vision d'ensemble de la musique américaine contemporaine. À vouloir en isoler les lignes de force et les manifestations les plus significatives, on se heurtera fatalement à des omissions qui ne préjugent en rien de l'évolution future.
Aux sources de la musique américaine
Deux personnalités américaines hors du commun sont à l'origine des musiques « savantes » des États-Unis : Charles Ives (1874-1954) et Henry Cowell (1897-1965) ont en effet, afin d'élaborer leur œuvre, rejeté des pans entiers de la tradition européenne, tout particulièrement l'influence germanique qui prévalait au début de leurs périodes créatrices.
Charles Ives peut être considéré comme le premier compositeur américain. Avant lui – mais également après lui –, la plupart des compositeurs des États-Unis étaient influencés par la tradition ou les innovations des compositeurs européens. Il est vrai que la plupart des créateurs se construisent par rapport à un passé ; ils peuvent le faire en continuité avec ce passé ou en rupture. Les compositeurs américains, dénués de ce passé, allaient donc le chercher en Europe. Ives, qui avait étudié l'orgue mais qui était autodidacte en matière de composition, fut toute sa vie très marqué par son environnement. Il avait une connaissance approfondie de la musique européenne mais il s'intéressait beaucoup plus à la vie quotidienne de sa région, le nord-est des États-Unis : chorales d'église, fêtes locales, fanfare de pompiers, danses villageoises... On retrouve dans toute son œuvre des références à tout cela. L'idée de simultanéité et de superposition des impressions est au centre de son processus créateur : enfant, il avait été fasciné par trois fanfares jouant en même[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
- André GAUTHIER : historien d'art et musicologue
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Médias