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ADNAN ETEL (1925-2021)

Figure majeure de la scène artistique et littéraire internationale, Etel Adnan a bénéficié d’une reconnaissance tardive, en France notamment où, si l’on excepte un don important de l’artiste en 2018 au musée d’Art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille Métropole (LaM), elle reste peu présente dans les collections publiques. En effet, il lui a fallu attendre la Documenta 13, importante exposition quinquennale d’art contemporain ayant lieu à Cassel (Allemagne), à laquelle elle est invitée à participer en 2012, pour que sa peinture suscite l’intérêt des critiques, du marché, des institutions et du public.

Née le 24 février 1925 au Liban (alors sous mandat français), d’un père syrien et musulman et d’une mère grecque et chrétienne, elle grandit animée du désir de devenir architecte, une profession jugée inconvenante pour une femme de sa génération. Aussi poursuit-elle des études de lettres et de philosophie à Beyrouth (1945) dans la classe de Gabriel Bounoure, à l’École supérieure des lettres, à Paris (1949) – notamment auprès de Gaston Bachelard et d'Étienne Souriau – et à l’université de Californie à Berkeley (1955). Elle entame ensuite une carrière universitaire, enseignant la philosophie de l’art au Dominican College de San Rafael, en Californie (1958-1972). Parallèlement, elle écrit ses premiers poèmes.

En 1959, sur le conseil d’une de ses collègues professeures, Etel Adnan commence à peindre des compositions abstraites (Untitled, vers 1961, LaM, Villeneuve-d’Ascq), proches de l’œuvre de Nicolas de Staël ou de Hans Hofmann, puis des paysages synthétiques, réalisés au couteau d’une seule traite dans des couleurs lumineuses, que l’artiste et critique d’art Simone Fattal, future compagne d’Adnan, comparera pour l’énergie qu’ils dégagent à des « talismans » (Etel Adnan: la peinture comme énergie pure, Paris, 2016). Un motif est récurrent : le mont Tamalpais, situé au nord de San Francisco, auquel l’artiste est très attachée, comme Paul Cézanne à la montagne Sainte-Victoire ou Georgia O’Keeffe au mont Pedernal (Mont Tamalpais, 1985, Beyrouth, Sursock Museum). « À force de vivre dans ses parages et de l’étudier, la montagne est devenue un tout pour moi, une expérience mystique. » Elle y projette ses sentiments et ses émotions tout en menant une réflexion sur les liens de l’humanité avec la « nature » et lui consacre des dizaines de tableaux et de dessins ainsi qu’un livre (Journey to Mount Tamalpais : An Essay, 1986).La palette vive et fraîche qu’elle emploie fait d’elle, selon ses propres termes, une peintre californienne.

Parallèlement, Etel Adnan écrit des poèmes en français puis en anglais et en arabe, sur fond d’engagement politique et social, en faveur de l’indépendance de l’Algérie ou contre la guerre du Vietnam. La découverte en 1961 du leporello, type de carnet constitué d’un feuillet unique qui se déplie à la manière d'un accordéon, lui permet d’associer au sein d’une même œuvre peinture, écriture et déploiement dans l’espace, dans une évocation de la tradition de la calligraphie à laquelle elle est sensible. De retour au Liban en 1972, elle écrit pour le quotidien Al-Safa puis pour L’Orient-Le Jour. Elle publie Sitt Marie Rose(1978), inspiré de la vie et de l’assassinat par la milice chrétienne de Marie Rose Boulos, maronite travaillant pour les services sociaux de la résistance palestinienne. Ce roman de guerre, devenu un classique, est traduit dans dix langues. En raison des nombreuses menaces de mort reçues après la parution de l’ouvrage, elle quitte Beyrouth pour la Californie et, après avoir peint le mont Sannine, au Liban, elle retrouve son sujet favori, le mont Tamalpais. Des séjours new-yorkais vont lui inspirer un thème iconographique fort différent : celui de l’East River, fleuve industriel et urbain[...]

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure

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