ÉTHER
Éther et milieux subtils
La physique de Descartes suppose que l'Univers plein est constitué par des milieux plus ou moins grossiers. Pour ne laisser aucun vide, des mouvements tourbillonnaires prennent naissance. Quant à la lumière, c'est une pression, une « tendance au mouvement » que transmet le milieu le plus subtil. Celui-ci fait fonction d'un éther immobile et rigide, support d'actions lumineuses instantanées.
L'éther de Descartes est donc bien matériel et corpusculaire. Toutefois, la lumière reste une action, une pression qui se propage à une vitesse infinie par l'intermédiaire de ce milieu.
Ce rôle de milieu, susceptible de transmettre des actions sans prendre part au mouvement, va se préciser au cours du xviie siècle : Malebranche accentue le « caractère tremblant » de la pression cartésienne. Des compressions et des dilatations successives se propagent au sein d'un éther et la densité des vibrations éthérées, leur fréquence permettent d'expliciter la spécificité des couleurs.
Les théories vibratoires de la lumière développées par Francesco Maria Grimaldi, Robert Hooke, Ignace Gaston Pardies et Huygens font aussi jouer à l'éther un rôle essentiel. Ce milieu permet en effet la propagation de vibrations longitudinales (Malebranche) mais également de vibrations transversales (Hooke), perpendiculaires à la direction de propagation. Pour Huygens, chaque point d'une onde sphérique dans l'éther constitue une source secondaire capable de créer, à son tour, une ondelette. L'enveloppe de ces multiples ondelettes constitue une nouvelle surface d'onde : ainsi pourra s'expliquer le mode de propagation non rectiligne de la lumière, intervenant dès que les ondes sont « diffractées » par des fentes très fines et par le bord des écrans. Quant aux couleurs, elles sont dues, pense-t-on, à l'amplitude des vibrations éthérées.
Sans rejeter totalement l'intervention d'un éther, Newton accorde cependant une nette préférence à une structure corpusculaire de la lumière. Une telle structure lui semble expliquer plus naturellement la propagation rectiligne, la réflexion, la diffraction. Quant à celle-ci, elle caractériserait, selon Newton, l'influence de forces analogues aux forces attractives et serait produite par le bord des fentes et des écrans.
L'optique de Newton, comme sa mécanique, est cependant loin d'éliminer l'idée d'éther. Newton se demande même si l'éther qui baigne les corps célestes est identique à celui qui permet la propagation des phénomènes lumineux. Il imagine que des ondes, cheminant dans l'éther, peuvent se propager plus vite que les corpuscules lumineux et interagir avec eux : ainsi s'expliqueraient les « accès de facile réflexion » et les « accès de facile transmission », c'est-à-dire la présence d'un élément périodique associé au rayon lui-même.
Le newtonianisme qui se répand sur le continent au cours du xviiie siècle va marquer une sorte de régression de l'idée d'éther et de vibrations dans l'éther. On se ralliera à l'idée de points matériels centres de force (Rudjer Josip Bošković) et aussi à des hypothèses d'action à distance auxquelles Newton n'avait accordé aucun réel crédit. Seul Euler maintient, au cours du xviiie siècle, les analogies classiques entre lumière et son. Avec elles s'affirme la notion d'un éther, support d'une authentique propagation ondulatoire telle que l'entendaient Vinci et Huygens.
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Écrit par
- Marie-Antoinette TONNELAT : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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