ÉTHER
L'optique ondulatoire et l'éther au XIXe siècle
Une renaissance des théories de l'éther s'amorce au xixe siècle avec les travaux d'Étienne Louis Malus, de Thomas Young et, surtout, d' Augustin Fresnel.
Il s'agit d'expliquer les phénomènes de polarisation de la lumière : en traversant certains cristaux (spath d'Islande, quartz), un rayon lumineux se dédouble en un rayon ordinaire qui suit les lois de Descartes et en un « rayon extraordinaire » qui contrevient à ces lois.
Il faut donc penser que le passage d'un rayon lumineux dans un cristal change la nature du phénomène et l'explication la plus simple consiste à assimiler la lumière à une suite de vibrations transversales (c'est-à-dire perpendiculaires au rayon) susceptibles, par conséquent, de plusieurs orientations dans un plan orthogonal à la direction de propagation.
Pour expliquer ce phénomène, Fresnel est amené à préciser les propriétés d'un éther dont la présence lui semble incontestable. Une expérience cruciale paraît d'ailleurs emporter la décision, c'est-à-dire départager les théories corpusculaires de la lumière des théories fondées sur les vibrations éthérées. Toute balistique corpusculaire entraîne, en effet, la conséquence suivante :
ceau < cair ;
la vitesse de la lumière doit être plus grande dans l'eau que dans l'air. En revanche, toute théorie ondulatoire aboutit à la conclusion d'une vitesse plus grande dans l'air que dans l'eau :
cair < ceau ;
Depuis Ole Römer (1676), on connaissait la valeur très approximative de la vitesse de la lumière dans l'air. En 1849, Hippolyte Fizeau mesure cette vitesse avec précision sur un parcours allant de Suresnes à Montmartre (dispositif de la roue dentée). D'autre part, la vitesse de la lumière dans l'eau est déterminée par Léon Foucault en 1853. Les résultats paraissent décisifs. Si n > 1 est l'indice de réfraction de l'eau, la vitesse de la lumière expérimentalement obtenue satisfait à :
ceau = (c/n) cair ;
On peut donc souscrire à l'hypothèse des ondulations de l'éther. « La conclusion de ce travail, écrit François Arago, consiste à déclarer le système de l'émission incompatible avec la réalité des faits. »
L'existence de ce « fluide universel » dont la lumière est l'« un des modes de vibration » repose alors sur des résultats si concluants qu'en 1852 Gabriel Lamé peut écrire : « L'existence du fluide éthéré est incontestablement démontrée par la propagation de la lumière dans les espaces planétaires et par l'explication si simple, si complète, des phénomènes, de diffraction dans la théorie des ondes. »
Ainsi triomphent les théories de l'éther. Cependant, pour expliquer les caractères des ondes transversales, il faut construire une théorie de l'éther, préciser sa structure et ses propriétés. Or ces dernières se révèlent bientôt paradoxales : l'éther doit en effet présenter une rigidité infinie pour permettre la propagation des ondes transversales et, en même temps, une résistance au mouvement à peu près nulle pour ne pas gêner le mouvement des corps célestes.
Ces propriétés surprenantes éveillent la méfiance des physiciens et Arago lui-même refuse de suivre Fresnel dans ses « acrobaties ». Néanmoins, celui-ci réussit à interpréter au moyen des vibrations éthérées l'ensemble des phénomènes de polarisation, y compris la polarisation chromatique découverte en 1811 par Arago. Seules les propriétés de l'éther lui-même restaient à justifier.
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Écrit par
- Marie-Antoinette TONNELAT : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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