ÉTHER
L'éther de Maxwell et la théorie électromagnétique
Le but de Maxwell est tout d'abord « d'expliquer et d'illustrer l'idée de ligne de force par des analogies hydrodynamiques ». Il réintroduit donc l'idée de tourbillons et forge un modèle d'éther dont les propriétés mécaniques peuvent se traduire, mathématiquement, par les équations de sa théorie. L'énergie du champ sera analogue à l'énergie mécanique issue des propriétés de l'éther.
L'éther de Maxwell est décrit dans un mémoire, On Physical Lines of Force (1861-1862). Maxwell développe une théorie des tourbillons moléculaires de l'éther, ces tourbillons satisfaisant des relations identiques à celles qui traduisent les phénomènes découverts par Ampère et par Faraday.
Selon Maxwell, l'éther est formé par des cellules identiques, capables d'effectuer des rotations de même sens autour d'axes parallèles aux lignes de force. Ces cellules forment ainsi des tourbillons indépendants, mais dilatés dans un plan équatorial par la force centrifuge. Elles exercent alors, les unes sur les autres, des pressions et des tensions. D'autre part, la rotation se transmet d'une cellule à l'autre grâce à un système de roulement à billes. Celles-ci, beaucoup plus petites que les cellules elles-mêmes, constituent le fluide électrique proprement dit. Dans un conducteur, elles se meuvent sans frottement ; dans un diélectrique, elles restent fixées aux cellules par des liaisons élastiques. On peut alors définir l'énergie magnétique comme l'énergie cinétique des tourbillons moléculaires ; l'énergie électrique est, au contraire, l'énergie potentielle produite par les déformations élastiques.
On a pensé souvent que, la formulation mathématique donnée par Maxwell étant loin d'être parfaite, son éther avait constitué une sorte de handicap pour sa théorie. Cependant, le modèle des tourbillons a suggéré certains traits essentiels de la théorie de Maxwell, notamment l'existence de courants de déplacement. D'ailleurs, Maxwell se borne finalement à démontrer qu'une explication mécanique de l'électricité et du magnétisme fondée sur un modèle d'éther est toujours « possible » – il reconnaît donc l'utilité, mais aussi les limites de ce genre d'explication. Il n'est pas un « modéliste » irréductible : les propriétés mécaniques de l'éther s'estompent devant les relations qu'elles ont contribué à suggérer.
Au contraire, William Thomson (lord Kelvin) reste fidèle à une représentation mécanique des forces électriques et magnétiques. Après James MacCullagh, il a proposé, par exemple, un modèle « gyrostatique » d'éther : la réaction élastique de l'éther offre alors une résistance aux rotations locales. D'une manière un peu différente, Helmholtz assimile les attractions et les répulsions entre tourbillons éthérés aux interactions qui interviennent entre les « ronds de fumée ». Carl Anton Bjerknes les compare aux actions qui pourraient s'instaurer entre les sphères pulsantes. La difficulté commune à tous ces modèles est que l'éther possède à la fois des caractères non seulement arbitraires, mais contradictoires. Il bénéficie, parfois simultanément, des propriétés qui définissent ce qu'on appelle un « fluide parfait » ou bien, au contraire, de celles qui caractérisent un solide rigide.
Ces paradoxes affectent encore les théories mécanistes de l'éther à la veille de la relativité restreinte. Un certain découragement apparaît : « Là où je sens mon échec, avoue lord Kelvin, c'est dans mes efforts persévérants de cinquante années pour comprendre quelque chose de plus à l'éther. Je n'en sais pas plus. » « L'éther, cet enfant de chagrin de la mécanique classique... » écrira Max Planck.[...]
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Écrit par
- Marie-Antoinette TONNELAT : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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