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ÉTHIOPIQUES, Léopold Sédar Senghor Fiche de lecture

Léopold Sédar Senghor, 1949 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Léopold Sédar Senghor, 1949

Éthiopiques : en forgeant ce néologisme pour en faire le titre du recueil de poèmes de sa maturité, publié en 1956, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor mettait en œuvre le métissage culturel dont il a si souvent fait l'apologie. Le mot « éthiopique » a manifestement une origine grecque : il est formé sur le mot aithiops, dont le sens littéral est « face brûlée, noir ». Son emploi en adjectif substantivé au pluriel évoque les Éthiopiques, le roman d'Héliodore (iie ou iiie siècle apr. J.-C.), tout comme il rappelle les titres que la tradition attribue aux recueils des odes (Olympiques, Isthmiques...) dans lesquelles Pindare célébrait les vainqueurs des jeux gymniques. Éthiopiques renvoie donc à l'héritage classique que l'agrégé-poète a toujours célébré. Mais par son sémantisme, ce titre met en avant la couleur noire, la « négritude », que les recueils antérieurs (Chants d'ombre, 1945 ; Hosties noires, 1948) avaient déjà glorifiée. Éthiopiques se situe au point de rencontre de l'Afrique et de l'Europe.

Une poésie de la négritude

Le recueil rassemble dix-huit poèmes, assez divers d'inspiration et de forme, même s'ils sont unifiés par l'emploi systématique d'un type de verset ample, débordant souvent des limites de la ligne, devenu la marque de fabrique du poète Senghor. Il est complété par une Postface, « Comme les lamantins vont boire à la source », qui est en fait une défense et illustration de la poésie de la négritude.

Sans qu'il y ait une organisation rigoureuse du recueil, les poèmes sont disposés en un ordre signifiant. Cinq poèmes jouent d'abord sur des thèmes mythologiques africains : évocation de la genèse et du triomphe de l'Homme sur la Bête, dans une atmosphère symboliquement africaine ; ode au fleuve Congo ; célébration de l'ancêtre fondateur de l'empire du Ghana ; enfin deux hymnes aux rituels de la parole traditionnelle africaine. Puis viennent deux grands poèmes à la thématique plus moderne : « L'Absente » célèbre une figure féminine sur fond de campagne électorale dans la brousse sénégalaise ; « À New York » exalte la négritude de la grande ville américaine : « J'ai vu dans Harlem bourdonnant de bruits de couleurs solennelles et d'odeurs flamboyantes/ – C'est l'heure du thé chez le livreur-en-produits-pharmaceutiques/ J'ai vu se préparer la fête de la Nuit à la fuite du jour. » Au cœur du recueil, un poème original par sa forme (il s'agit d'un « poème dramatique à plusieurs voix »), consacré au personnage de Chaka, roi légendaire et organisateur, au début du xixe siècle, de la nation zoulou. Plus que de la célébration des « martyrs bantous de l'Afrique du Sud » comme le suggérerait la dédicace, il s'agit d'une méditation très personnelle, sur les relations de la poésie et de l'action politique. Le recueil s'oriente ensuite vers une poésie plus intime, avec les « Épîtres à la princesse » – correspondance pudiquement amoureuse nourrie d'allusions à la jeune Française qui allait devenir la femme du poète en 1957. La dernière section, sous le titre « D'autres chants », rassemble des poèmes d'une tonalité discrètement mélancolique.

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Léopold Sédar Senghor, 1949 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Léopold Sédar Senghor, 1949