ÉTHIOPIQUES, Léopold Sédar Senghor Fiche de lecture
Le pouvoir de nommer
L'unité thématique du recueil tient d'abord à la place donnée à l'Afrique et à la volonté de déchirer le mensonge des apparences et des préjugés : « ... et les hommes restitués à leur noblesse, les choses à leur vérité ». D'où le ressourcement des premiers poèmes, et leur exaltation d'une Afrique originaire et originelle. Puis vient le désir de manifester la place de l'Afrique dans le monde moderne, sa capacité à dire ce monde comme toute l'intimité de l'être, avec les inflexions propres de sa parole. Il est symbolique que chaque poème soit précédé d'une indication spécifiant son genre, comme le guimm (mot sérère qui est selon Senghor la « traduction exacte du grec ôdê », qui signifie « chant, poème lyrique »), ou bien l'accompagnement d'instruments africains (tabalas, kôras, khalam, balafongs...).
La Postface souligne d'ailleurs la part que les poèmes modernes d'Éthiopiques doivent à l'inspiration des poètes gymniques du village d'enfance de Senghor, qui célébraient les vainqueurs des concours de lutte traditionnelle. Senghor leur emprunte sa poétique de la nomination, qui, plus qu'une simple désignation, marque le pouvoir de faire survenir la chose ou l'être nommé. Le mot est alors « image-analogie » qui libère la valeur émotionnelle portée par le langage. Les poèmes de Senghor revendiquent ce pouvoir concret d'évocation.
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Écrit par
- Jean-Louis JOUBERT : professeur à l'université de Paris-XIII
Classification
Média