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ÉTHIQUE À NICOMAQUE, Aristote Fiche de lecture

Aristote - Stagire (Macédoine) - crédits : Argus/ Fotolia

Aristote - Stagire (Macédoine)

Le corpus aristotélicien comprend traditionnellement trois ensembles consacrés à la philosophie morale : l'Éthique à Nicomaque, l'Éthique à Eudème et la Grande Morale, ou Grands Livres d'Éthique, dont l'attribution à Aristote (385 env.-322 env. av. J.-C.) est aujourd'hui très contestée. Des deux premiers, les titres sont mystérieux, et certaines parties (comme celles portant sur les vertus intellectuelles) sont communes ; l'Éthique à Nicomaque, la plus tardive et la plus aboutie, avec son long développement sur l'amitié (livres VIII-IX), reste la plus commentée.

La morale aristotélicienne

La morale ou l'éthique (les deux termes renvoyant à une même réalité, en latin mores, en grec éthos : celle qui concerne les « mœurs ») n'est pas constituée par Aristote en science particulière. Le philosophe distingue seulement entre le domaine des affaires humaines (ce que, avec le néo-aristotélisme, on peut appeler philosophie pratique), domaine de la praxis, et celui de la connaissance pure (theoria), des sciences « théorétiques ». Cette distinction suppose une critique profonde de Platon et de sa théorie des Idées. Pour Aristote le Souverain Bien, dont chacun s'accorde à faire l'objet de la morale (et ce que cherche à atteindre le philosophe, en tant qu'il est vertueux), n'est pas accessible par la voie de l'idée. Selon la définition célèbre du livre II, « la vertu est une disposition acquise de la volonté [habitude], consistant dans un juste milieu relatif à nous, lequel est déterminé par la droite règle et tel que le déterminerait un homme prudent » (1106 b 36). Ce réalisme aristotélicien, qui met l'accent sur l'exercice du bonheur, dans ses conditions concrètes, au détriment d'une science abstraite qui confine à l'absurde (c'est « parler pour ne rien dire » que de soutenir, avec Socrate et plus tard les stoïciens, que le sage est heureux sous la torture), ne nie pas la « règle » mais l'incarne dans des figures vertueuses – par exemple celle du « magnanime », au livre IV (et dont la reprise par Thomas d'Aquin constitue l'un des aspect les plus audacieux de l'amalgame chrétien entre philosophie et théologie) –, qui se transmettra, à travers notamment l'enseignement des jésuites (lequel influence directement le théâtre de Corneille), jusqu'à l'âge classique. Cette typologie morale est encore à l'origine de la tradition des moralistes, avec les Caractères de Théophraste, élève et successeur immédiat d'Aristote, et par la suite modèle de La Bruyère.

Le domaine pratique se distingue aussi du « poïétique », c'est-à-dire du domaine du « faire » (poïen, entendu comme fabrication et non comme action : les techniques, les arts, les métiers, à l'exception du domaine de l'action. Aussi l'éthique semble-t-elle se confondre avec la politique, et l'Éthique à Nicomaque se présente explicitement comme un « traité de politique » (livre I). Le livre V est ainsi consacré à une discussion du rapport entre justice et équité, ce qu'en termes modernes nous pouvons distinguer comme les ordres de la loi et de la moralité. Mais dans le livre X et dernier, Aristote n'en développe pas moins des arguments sur la félicité propre au philosophe : il existerait bien une vertu intellectuelle spéculative, étrangère à l'action et supérieure à elle. La sophia (« sagesse ») apparaît alors comme le but ultime de l'homme, le politique ne réalisant dans l'action, avec la vertu de prudence (phronèsis), qu'une forme inférieure de l'excellence humaine. Cet idéal contemplatif ne se confond pas pour autant avec celui, platonicien, de « divinisation de l'homme » : il vise au contraire à surmonter sa critique, à travers une conscience plus aiguë,[...]

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