ETHNOLOGIE Ethnoarchéologie
Développement de la discipline
Les origines
Bien après des travaux précurseurs de Jesse Walter Fewkes réalisés à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, la première contribution ethnoarchéologique moderne, à savoir un relevé ethnographique pouvant aider et corriger l'interprétation archéologique, fut probablement l'article que l'anthropologue et ornithologue Donald Fergusson Thomson publia en 1939 à propos de l'impact de la succession des saisons sèches et humides sur la culture matérielle de la tribu aborigène Wik Monkan, dans le nord-est de l'Australie. Au contraste climatique correspondaient des outillages et des types d'habitat si tranchés que les archéologues auraient facilement pu y voir des groupes culturels différents. Ce fut en 1956 – mais plutôt comme exercice ethnographique que comme stratégie archéologique – que l'ethnoarchéologie (alors qualifiée d'Action Archaeology) prit véritablement corps avec un « inventaire archéologique d'une communauté vivante », réalisé par l'archéologue Patty Jo Watson chez les Laks, dans le sud-ouest de l'Iran. Néanmoins, les études ethnoarchéologiques publiées entre 1956 et 1967 furent peu nombreuses (autour d'une quinzaine). Centrées sur la Méso-Amérique, les Caraïbes, l'Australie et l'Océanie, elles œuvrèrent dans le sens d'un « sauvetage » des traditions techniques de sociétés menacées plutôt que comme méthode archéologique. Les résultats obtenus n'étaient donc pas toujours à même de contribuer à l'interprétation archéologique. De fait, l'ethnoarchéologie ne devait se développer qu'une quinzaine d'années plus tard. Il fallut en effet préalablement surmonter la semonce de l'anthropologue américain Karl G. Heider qui, en 1967, publia une tentative de reconstitution d'une culture vivante de Nouvelle-Guinée, fictivement réduite à ses restes archéologiques ; celle-là s'en trouvait tellement appauvrie qu'elle en devenait totalement méconnaissable.
Dans la mouvance de la New Archaeology
Ce ne fut donc qu'à partir des années 1970 et dans la mouvance de la New Archaeology, mise en œuvre par le préhistorien américain Lewis Binford et ses élèves, que l'ethnoarchéologie devint une branche avérée de l'archéologie. L'un des objectifs de ce courant de pensée – largement inspiré de la théorie des systèmes (qui postule que toutes les parties d'un ensemble sont interdépendantes) et fortement imprégné de néo-fonctionnalisme et d'écologie culturelle – était de rompre avec la dichotomie qui séparait culture matérielle et processus sociaux. Binford préconisait par ailleurs de ne plus raisonner par induction en construisant des interprétations ou des hypothèses à partir de données empiriques mais de déduire, à partir d'hypothèses ou de théories élaborées depuis des données ethnologiques, des « constructions » qu'il fallait ensuite confronter à la réalité des faits archéologiques. Pour la première fois, l'archéologie prétendait à la construction de modèles théoriques et à la scientificité de sa démarche.
Prenant conscience de l'inadéquation de l'ethnographie des anthropologues culturels à leurs questionnements, un certain nombre d'archéologues nord-américains (dont Lewis Binford), forts de leurs méthodes d'observation et investis de leur propre problématique, finirent par aller enquêter sur le terrain. Mais en réduisant l'interdépendance des éléments constitutifs d'une société à un mécanisme fonctionnel, on oubliait que des causes naturelles ou sociales identiques pouvaient avoir des résultats culturellement différenciés, et que des causes différentes pouvaient avoir des conséquences convergentes. Ce premier développement de l'ethnoarchéologie conduisit inévitablement[...]
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Écrit par
- Anick COUDART : directeur de recherche au C.N.R.S.
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