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ETHNOLOGIE Ethnomusicologie

Le métier d'ethnomusicologue

Le terrain

Notre époque admet difficilement l'« ethnomusicologie en chambre » d'autrefois. L'ethnomusicologue va sur le terrain, et le terrain est exigeant. Tout d'abord, il demande une sérieuse préparation : lecture de toute la littérature musicologique et ethnographique sur la population concernée ; audition des disques déjà réalisés et des bandes déposées dans les archives existantes ; entrevues avec des anthropologues, linguistes ou autres ethnomusicologues qui ont déjà visité la région et, parfois, rencontres des autochtones « installés en ville ». La préparation technique n'est pas la moindre : achat ou location des magnétophones et magnétoscopes... Pour l'ethnomusicologue, le chemin est long avant que ne commence l'investigation proprement dite.

Le temps passé sur le terrain est variable : certains, pour des raisons économiques et familiales, favorisent les séjours répétés d'un ou deux mois ; aux États-Unis, on admet difficilement qu'un étudiant de doctorat en ethnomusicologie passe moins d'une année complète sur le terrain ; Mantle Hood (1971) parle de plusieurs années, dont la première est consacrée uniquement à s'imprégner des us et coutumes du pays et à se faire admettre dans le milieu. Des problèmes éthiques peuvent alors se poser : jusqu'où s'impliquer dans la vie – politique, en particulier – d'une communauté ? Tout, évidemment, est une question de tact, de personnalité et d'objectifs. La traditionnelle technique du questionnaire a fait place à la pénétration vécue de la culture et à l'observation participante. On apprend une culture musicale comme on apprend une langue, et, à ce titre, Hood a développé l'intéressant concept de bi-musicalité, faisant même de l'apprentissage musical une des tâches essentielles de l'ethnomusicologue, ce qui est contesté par beaucoup.

Les transcriptions et les analyses

À son retour, le chercheur va devoir entreprendre un long travail de dépouillement : mise au propre de ses notes et de son journal de terrain, établissement du catalogue des pièces enregistrées, copie des bandes pour leur préservation, leur dépôt en archives, leur renvoi dans la communauté visitée.

Alors commence l'exploitation du matériel. Faut-il systématiquement transcrire tout ce qui a été enregistré ? Certains estiment qu'il est possible de tirer beaucoup d'informations d'une pièce, d'un style, de tout un corpus en repérant ses traits spécifiques après des écoutes nombreuses et attentives. Tout dépend des objectifs. Il fut une époque où l'on assignait à la transcription une fonction de préservation. Lorsque Bartók entreprend de constituer le Corpus Musicae hungaricae, il fournit là non seulement la base d'une étude scientifique, mais aussi il rassemble et permet la diffusion de l'ensemble de la musique populaire hongroise. Mais, ici, l'ethnomusicologue rencontre deux dilemmes que Charles Seeger a particulièrement bien soulignés. Premièrement, on ne peut produire une transcription qui soit à la fois prescriptive (destinée à l'exécution) et descriptive (destinée à l'analyse). Et, dans le cas de la transcription descriptive, jusqu'où faut-il aller dans ce que les Américains appellent les minutiae ? Deuxièmement, faut-il faire une transcription « étique » qui essaie d'enregistrer tout ce que repère l'oreille (du chercheur occidental) ou la machine (l'on doit à Seeger d'avoir inventé le mélographe particulièrement efficace pour la transcription automatique et détaillée des monodies), ou bien une transcription « émique » qui se fonde sur les traits pertinents du système étudié ? Mais, comme les travaux empiriques de V. Chenoweth l'ont montré (1979), il est rare, en particulier pour les hauteurs, que l'on puisse établir une[...]

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