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ETHNOLOGIE Histoire

Deux initiateurs : Morgan et Tylor

Le premier ethnologue « de terrain » est l'Américain L. H. Morgan, qui séjourne en 1850 chez les Iroquois et visite plus tard d'autres tribus. Morgan s'efforce de recueillir des terminologies de parenté : ayant découvert la notion de terminologie classificatoire, il s'attache à classer ces terminologies en relation avec des faits institutionnels (mariage, types de famille, autres traits sociologiques), puis à les ordonner en une séquence évolutive. L'apport de Morgan est important, il fonde l'étude comparative des systèmes de parenté, notion déjà présente chez Lafitau, et qui devient une partie essentielle de l'ethnologie. L'Anglais E. B. Tylor, bien que ses idées sur l'évolution diffèrent quelque peu de celles de Morgan, périodise aussi l'histoire de l'humanité, mais avec une plus grande prudence à l'égard des faits, et il propose d'examiner non plus les causes, mais les rapports fonctionnels entre les phénomènes, modifiant ainsi la notion de loi implicitement acceptée jusqu'alors. Tylor inaugura l'étude comparative des corrélations entre certaines institutions (comme les règles de résidence matrimoniale et l'évitement de la belle-mère) à l'aide de données statistiques recueillies auprès d'un grand nombre de sociétés. Il est à l'origine d'un courant moderne de la recherche ethnologique aux États-Unis, l'analyse cross-cultural (G. P. Murdock, J. W. Whiting), qui vise à établir par la statistique, en s'appuyant sur un nombre aussi grand que possible de sociétés, des corrélations entre phénomènes culturels. Il faut ici dissiper un malentendu : contrairement à une idée reçue encore présente dans les manuels et les précis d'ethnologie, l'évolutionnisme de Tylor ne doit pas grand-chose à la théorie darwinienne. Tylor prolonge et développe la théorie des stades du xviiie siècle ; il ne transpose pas aux sociétés humaines les mécanismes d'adaptation, de sélection et de lutte pour la vie. Ce n'est qu'à la fin du siècle que l'on voit apparaître, d'abord aux États-Unis, un darwinisme social.

À partir de 1870-1880, une réaction se dessine contre l'évolutionnisme. L'école allemande (F. Ratzel), bientôt suivie par l'école américaine (F. Boas, A. L. Kroeber, C. Wissler), va soutenir l'origine commune des traits culturels et leur dispersion par emprunts, contacts et diffusion, au lieu de postuler un processus de développement identique pour toutes les sociétés, passant obligatoirement par les mêmes stades. Ces deux théories souffrent du même apriorisme, puisqu'il ne s'agit pour l'ethnologue que d'utiliser comparativement les données ethnographiques pour illustrer une thèse. L'évolutionnisme repose en fait sur un parallèle entre le développement de la société et celui de l'individu, l'adulte correspondant évidemment au stade de la « civilisation ». Sous le diffusionnisme se dissimulait aussi plus ou moins la thèse de la supériorité de notre culture, puisqu'il ne reconnaissait la possibilité d'invention qu'à certaines sociétés privilégiées... Par ailleurs, dans les deux cas, on utilise les « éléments » culturels et sociaux pour « reconstruire », comme s'il s'agissait de choses. Cette réification de la culture rend impossible une véritable comparaison, car, à la différence des arcs et des flèches, les institutions (comme l'exogamie ou l'évitement de la belle-mère) ne peuvent faire l'objet d'une observation concrète, mais doivent être conçues à partir de pratiques observables et de règles énoncées. À la fin du xixe siècle, se produit donc un recul critique vis-à-vis de l'évolutionnisme (F. Boas), le travail proprement ethnologique[...]

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<it>Livre des Merveilles</it> de Marco Polo - crédits : De Agostini/ Getty Images

Livre des Merveilles de Marco Polo

Alfred Wallace - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis Historical/ Getty Images

Alfred Wallace

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