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ETHNOMÉTHODOLOGIE

L'ethnométhodologie est un programme de recherche en sciences sociales consacré à l'étude, en termes de méthodes ou de procédures, de la production d'ordre, de rationalité et de sens dans la vie sociale, notamment dans les conduites, les activités et les pratiques des agents. Le point de départ en a été les recherches de Harold Garfinkel, dans les années 1960, sur la façon dont les agents sociaux – les « membres » dans la terminologie de Garfinkel – raisonnent, jugent et décident en situation, ou coordonnent leurs actions, lorsqu'ils ont à gérer leurs affaires de la vie courante ; ou encore sur la manière dont ils parviennent à se comprendre mutuellement, sur la connaissance ordinaire des structures du monde social qu'ils mettent en œuvre et sur les opérations intersubjectives par lesquelles le sens d'un monde commun est instauré et maintenu. L'appellation « ethnométhodologie » a été forgée sur le modèle de termes comme « ethnobotanique », « ethnomédecine », pour désigner l'étude de ces manières de faire de la vie quotidienne et des méthodes ou techniques qui les sous-tendent.

Le souci d'une observation concrète de la vie sociale

Présentées en 1967 dans l'ouvrage Studies in Ethnomethodology, les recherches de Harold Garfinkel ont été très largement inspirées au départ par la phénoménologie sociale d'Alfred Schütz, sociologue et philosophe autrichien qui a essayé d'articuler la pensée d'Edmund Husserl et celle de Max Weber. Par la suite, Garfinkel s'est éloigné de la pensée de Schütz, tout en conservant un ancrage ferme dans la phénoménologie. Il a placé tout son travail sous le double mot d'ordre phénoménologique, qu'il a interprété à sa façon, de retour « aux choses mêmes » et de « description pure » du monde d'avant la connaissance. Qu'est-ce qu'un tel mot d'ordre peut vouloir dire pour une démarche sociologique ? Essentiellement, que les idées, les enquêtes et les théories des sociologues sur la société, sur l'action, sur la coopération sociale, etc., ne sont d'aucune utilité, sur le plan de la connaissance, si elles ne parviennent pas à rendre compte de la manière propre que les agents sociaux, dans leur vie ordinaire, ont de traiter le monde, de se rapporter les uns aux autres dans leurs interactions et d'ordonner leurs activités de l'intérieur même des structures de leur expérience. Bref, il s'agit de rendre aux faits sociaux de Durkheim leur physionomie concrète de « choses organisationnelles », c'est-à-dire de retrouver le travail vivant et méthodique d'organisation, d'ordonnancement et de mise en sens, qui les constitue comme réalité objective.

Le propos ethnométhodologique consiste ainsi, pour l'essentiel, à rapporter la production (concrète, endogène et locale) d'ordre et de sens à des opérations, réglées normativement, que les « membres » font méthodiquement entre eux, ou les uns par rapport aux autres, et à tenter de faire apparaître que cette production s'appuie sur une connaissance de sens commun du monde social ainsi que sur une maîtrise pratique des méthodes et procédés selon lesquels les activités s'organisent. Mais comment saisir ces opérations dès lors qu'elles sont faites sans qu'on y prête attention et qu'elles ne sont pas thématisées dans les accounts ? Plusieurs stratégies ont été essayées, depuis le recours à des expériences de perturbation du cours ordinaire des interactions sociales (les fameux breaching experiments des premiers textes de Garfinkel), jusqu'aux méthodes d'analyse de « données naturelles » inventées par l'analyse de conversation, en passant par la recherche de perspicuous settings, c'est-à-dire de situations qui « font voir » comment les agents procèdent[...]

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