- 1. De la théorie de l'évolution à l'émergence de l'éthologie
- 2. De l'opposition de courants d'idées à l'élaboration des quatre questions fondatrices
- 3. L'opposition malheureuse des causes proximales et des causes ultimes
- 4. Faut-il renommer l'éthologie ?
- 5. L'éthologie d'aujourd'hui
- 6. Bibliographie
ÉTHOLOGIE
L'opposition malheureuse des causes proximales et des causes ultimes
Très vite, le champ de l'éthologie avait réduit les quatre questions de Tinbergen à deux ensembles : celui de la causalité proximale (points 1 et 3) et celui de la causalité ultime ou distale (points 2 et 4). En 1969 déjà, Tinbergen s'inquiétait de ce que les sciences du comportement portent trop d'intérêt aux facteurs d'ordre proximal du comportement et était persuadé qu'on devait attacher autant d'importance à comprendre les effets du comportement, le rôle qu'ils jouent pour la survie de l'espèce. En d'autres termes, il insiste sur le fait qu'il faut étudier la fonction des comportements. Cependant, les éthologues européens étaient bien conscients que le comportement animal est un phénomène biologique et, ainsi, un produit de l'évolution. Ils insistaient sur ce fait bien qu'on leur ait souvent reproché de négliger l'approche ultime du comportement. En réaction à ces critiques, l'écologie comportementale voit le jour.
Ce nouveau courant doit son origine à la présentation que fit Edward Wilson, en 1975, de la théorie de Hamilton dans son ouvrage Sociobiology. A New Synthesis ; il y développe des concepts tels que la valeur de survie, la sélection de parentèle (sélection des comportements altruistes dirigés vers des apparentés) et l'évolution de l'altruisme et des groupes sociaux. Pour les tenants de l'écologie comportementale, cette synthèse pose les fondements d'une approche évolutionniste du comportement social. Avec la nouvelle vision du vivant des années 1960, les gènes sont au centre des préoccupations scientifiques et l'animal est considéré comme un simple vecteur de son bagage génétique ( R. Dawkins). Dans la logique évolutionniste, pour qu'un comportement soit retenu au cours de la sélection naturelle, il doit conférer à l'individu qui le présente un avantage qui l'emporte sur les inconvénients et les risques qu'il peut engendrer. En 1978, John Krebs et Nicholas Davies co-éditent Behavioural Ecology : an evolutionary approach, où ils reprennent l'approche de Wilson mais en l'appliquant à l'ensemble des comportements. Très rapidement, l'écologie comportementale affirme incarner à elle seule l'étude scientifique du comportement alors qu'elle se concentre sur les causes ultimes et néglige les mécanismes qui sous-tendent les comportements, ne réalisant ainsi qu'une partie du programme fondateur de Tinbergen. Par exemple, l'altruisme réciproque a été proposé par l'écologie comportementale afin d'expliquer la coopération entre individus non apparentés (on peut aider un individu non apparenté s'il nous aide en retour). Depuis lors, il a été démontré que la majorité des animaux ne possèdent pas les capacités cognitives nécessaires à la réalisation d'un tel comportement (évaluer ce qu'on a donné et ce qu'on a reçu) (J. R. Stevens et al., 2005 ; A. Ramseyer et al., 2006 ; K. Jensen et al., 2006). Tenir pour acquis que les animaux développent des stratégies sans avoir préalablement exploré s'ils en étaient réellement capables revient à déconnecter les causes proximales des causes ultimes et peut conduire à des interprétations erronées des comportements.
Ainsi, la confrontation de la perspective fonctionnaliste (causalité ultime) et du point de vue structuraliste (causalité proximale), qui existait déjà au temps de Darwin, reste d'actualité. Les recherches évolutionnistes – qui présument que les divers aspects morphologiques, physiologiques et comportementaux des organismes représentent des solutions adaptatives optimales aux problèmes rencontrés par les individus – sont regroupées par Richard Lewontin (1979) sous le vocable de programme adaptationniste. Ce programme[...]
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Écrit par
- Odile PETIT : chargée de recherche au C.N.R.S.
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