BORNE ÉTIENNE (1907-1993)
Né à Manduel (Gard) d'un père répétiteur au collège de Béziers, Étienne Borne entre en 1926 à l'École normale supérieure, où il connaît Raymond Aron, Jean-Paul Sartre et Simone Weil, et fréquente le groupe “tala” de la rue d'Ulm. Il obtient en 1930 l'agrégation de philosophie, fait la connaissance du père Teilhard de Chardin ; marié en 1933, il sera père de cinq enfants.
Tout en poursuivant une carrière de professeur de philosophie dans divers lycées de l'enseignement public — il fut à Louis-le-Grand, à Paris, un exceptionnel professeur de khâgne —, Étienne Borne se forge rapidement une audience intellectuelle auprès des lecteurs de la presse démocrate chrétienne ou catholique “ouverte” : le quotidien L'Aube, les hebdomadaires Sept et Temps présent, la revue Esprit. Il est aux côtés de Jacques Maritain, d'Emmanuel Mounier et, plus tard, de François Mauriac pour convaincre les catholiques de se rallier franchement à la démocratie et au progrès social. Son opposition au nazisme et au fascisme est totale, et il condamne la révolte franquiste en Espagne tout en prenant position pour le gouvernement autonome du Pays basque.
Politiquement, Étienne Borne est proche des petits partis démocrates-chrétiens de l'époque, la Jeune République et le Parti démocrate populaire, mais il se sépare de l'extrême gauche du catholicisme qui, déjà, autour de la revue Terre nouvelle, se rapproche du communisme.
La Résistance le trouve à Toulouse, où il jouera un rôle important. À la Libération, il est commissaire à l'information pour la région toulousaine.
Membre du Mouvement républicain populaire (M.R.P.) dès sa fondation en 1944, il en devient le penseur attitré et collabore à sa presse — L'Aube, à nouveau, jusqu'à sa fin en 1951, puis l'hebdomadaire Forces nouvelles. Après 1966, il écrit dans Démocratie moderne, hebdomadaire du Centre des démocrates sociaux. Il dirige deux revues d'orientation démocrate chrétienne : Terre humaine (1951-1953) et France forum (à partir de 1957). Après 1973, il assurera une chronique hebdomadaire dans le quotidien La Croix. Il est secrétaire général du Centre catholique des intellectuels français.
Il y a, dans l'œuvre de Borne, deux versants. Philosophe, il écrit deux ouvrages qui marqueront : Dieu n'est pas mort. Essai sur l'athéisme contemporain (1956) et Le Problème du mal (1958). Sa pensée se situe dans la tradition augustinienne et blondélienne, issue elle-même du platonisme ; elle éprouve quelque mal à se reconnaître dans un thomisme qui souffre peut-être, à son avis, de la consécration officielle et quasi exclusive que lui fait l'Église catholique des années 1900-1950.
Mais c'est surtout comme militant démocrate chrétien qu'Étienne Borne exerce son influence. Membre de la commission exécutive du M.R.P. et défenseur de sa politique, il est un des rares intellectuels à rester attaché au mouvement jusqu'au bout. Il est aussi le seul philosophe de la démocratie chrétienne française contemporaine : Mounier récuse l'idée même de démocratie chrétienne ; Maritain est plutôt un philosophe catholique de la démocratie et, après 1945, il est absent de France ; Étienne Gilson, quoique sénateur M.R.P. à la Libération, ne couple pas réflexion philosophique et engagement politique.
Dans la revue Terre humaine, Étienne Borne défendra en 1952 la modernité de l'idée démocrate chrétienne contre le philosophe lyonnais Joseph Hours, qui en fait un avatar contemporain d'un catholicisme romain antinational et théocratique venu du Moyen Âge. Il polémique avec François Mauriac, en 1953, contre le mendésisme et, en 1962 et 1965, quand le M.R.P. s'oppose à de Gaulle.
Borne essaiera de fonder intellectuellement et de moderniser la notion même de démocratie chrétienne qui, après 1945,[...]
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Écrit par
- Pierre LETAMENDIA : maître de conférences de science politique à l'Institut d'études politiques de Bordeaux
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