CHOISEUL ÉTIENNE FRANÇOIS duc de (1719-1785)
Issu d'une noble famille champenoise connue depuis le xie siècle, Choiseul tire son nom d'une terre située en Bassigny. Fils d'un grand chambellan du duc François de Lorraine, le marquis de Stainville, petit-fils du baron de Beaupré, gouverneur de Saint-Domingue, il suit la carrière des armes. Brillant officier, maréchal de camp en 1748, lieutenant général en 1759, il a épousé la fille du riche financier Crozat, dont la sœur est des intimes de Mme de Pompadour ; celle-ci va lancer le comte de Stainville dans la carrière diplomatique : ambassadeur à Rome en 1753, il obtient du souverain pontife une encyclique qui met fin à la querelle avec les jansénistes (affaire des billets de confession et du refus des sacrements). Ambassadeur à Vienne en 1756, il prépare le renversement des alliances (la Prusse devient pays ennemi commun de la France et de l'Autriche) ; en récompense des services rendus, la terre de Stainville est érigée en duché, l'ambassadeur prend le titre de duc de Choiseul en 1758.
Après l'attentat de Damiens, en pleine guerre de Sept Ans, la disgrâce des ministres Machault et d'Argenson et l'appui de Mme de Pompadour portent Choiseul au sommet de sa carrière : secrétaire d'État aux Affaires étrangères en octobre 1758, puis secrétaire d'État à la Guerre et à la Marine de 1761 à 1766, il cherche à limiter la participation de la France à la guerre continentale sans rompre l'alliance autrichienne. En accord avec l'opinion dominante, il consacre toutes ses forces à la lutte contre l'Angleterre : ententes avec les clans écossais et la Suède — ses projets sont déjoués par nos défaites maritimes devant Lagos et Belle-Île ; Choiseul négocie le « pacte de famille » (en 1761), avec les Bourbons de Madrid, de Parme et de Naples, mais il doit se résigner aux préliminaires de paix de Fontainebleau qui aboutissent au traité de Paris en 1763. Choiseul se félicite d'avoir joué les Anglais et récupéré les « isles » et les comptoirs de l'Inde, mais il ressent toutefois l'humiliation de cette paix et prépare la revanche. S'inspirant du grand Frédéric, il rénove le corps d'artillerie, encourage le génie, augmente la flotte de vaisseaux de construction supérieure à celle des Anglais.
Choiseul saisit toutes les occasions de redresser la situation de la France. Il impose le respect du traité de 1738 prévoyant le retour de la Lorraine à la France, à la mort de Stanislas (1760). Il soutient les patriotes polonais en leur envoyant des volontaires comme Dumouriez et en provoquant l'entrée en guerre de la Turquie contre la Russie. Il négocie l'achat de la Corse en 1768, afin de rétablir notre maîtrise en Méditerranée. Prêt à exploiter la conjoncture, il surveille le conflit naissant entre les colons anglais d'Amérique et la métropole. Il est le ministre dirigeant pendant douze ans, partageant avec son cousin Choiseul-Praslin les charges de trois secrétariats d'État, mais il laisse au chancelier et au contrôleur général des Finances la liberté de leurs initiatives dans les réformes financières et économiques.
Par le cœur et par l'esprit, Choiseul est très proche des grandes robes, tout en étant conscient du danger que représente leur opposition systématique ; mais enfin l'opinion, les salons les soutiennent, et Choiseul aime la popularité. C'est ainsi qu'il est amené à soutenir le parlement dans l'affaire des Jésuites (1761), qu'il leur livre d'autant plus volontiers qu'il est lui-même un sceptique. Mais si le ministre espérait calmer les magistrats, il s'est trompé : cette faiblesse n'a fait qu'enhardir les rebelles. Devant le refus des cours d'enregistrer les impôts indispensables à la lutte contre l'Angleterre et à l'assainissement des finances publiques, Choiseul temporise, négocie ; il abandonne à la vindicte parlementaire les plus fidèles[...]
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Écrit par
- Louis TRENARD : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille
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Autres références
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CORSE
- Écrit par Christian AMBROSI , Gilbert GIANNONI , Janine RENUCCI et André RONDEAU
- 8 419 mots
- 4 médias
...Sept Ans, la France retire ses forces en 1759. La guerre finie en 1763, Gênes en appelle encore à elle (deuxième traité de Compiègne, 6 août 1764), et Choiseul accepte de tenter une nouvelle médiation. Le comte de Marbeuf, commandant des troupes françaises, échoue sur place, et les négociations se poursuivent...